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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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Qui d’autre nous protégera ?
    Ses yeux se mirent à briller, et à ma grande surprise, les miens aussi. Pour couper court au débat, je précisai :
    — Cela ne servirait à rien de l’expérimenter sur quelqu’un de jeune et en bonne santé, étant donné que le pape n’est ni l’un ni l’autre. C’est un homme vieux et frêle. Le test devrait être pratiqué sur quelqu’un qui se trouve dans le même état physique.
    — Cela n’en fait pas pour autant un acte bon, rétorqua David. Les vieilles personnes aussi doivent être protégées.
    Un sombre désespoir s’abattit alors sur moi. Je comprenais ce qu’il ressentait, je l’approuvais même de tout cœur. Mais je savais également que dans ce monde, tel qu’il est vraiment (et non tel que nous voudrions qu’il soit), il est parfois nécessaire de commettre des actes terribles. Il arrive tout simplement qu’il faille choisir entre le pire et le moins pire.
    Or, comment ne pas m’interroger sur le genre de personne que j’étais devenue, si j’étais capable d’enfouir mes élans de bonté sous un sens pratique aussi glacial ?
    — On ne peut demander à quiconque de faire cela, dit Sofia, sans lui expliquer pleinement de quoi il retourne.
    À l’évidence, ce n’était pas sans risque. Le seul fait de mentionner pareille chose déclencherait peut-être un tollé. Si les rabbins et les négociants découvraient ce que nous étions en train de faire, ils chercheraient certainement à nous arrêter.
    — As-tu… quelqu’un en tête ? demandai-je timidement.
    David tressaillit et détourna le regard, mais Sofia me fixa droit dans les yeux. Lentement, elle hocha la tête.

15
    L a vieille femme était allongée sur un grabat dans la pièce à l’arrière, où on l’avait transportée pour l’isoler des autres. En dépit de la chaleur de la journée elle était emmitouflée dans une couverture qui, sous une couche de crasse, semblait avoir été filée avec la laine d’agneau la plus fine. Ses cheveux gris étaient étalés sous elle. Malgré ses joues creusées, ses yeux enfoncés et sa peau parcheminée, on voyait bien qu’elle avait été belle, autrefois.
    — Rébecca, l’appela doucement Sofia en s’agenouillant auprès d’elle et en lui prenant la main.
    Les paupières de la femme frémirent et s’ouvrirent lentement.
    — Te souviens-tu de ce dont nous avons parlé ? demanda Sofia.
    Elle parlait en catalan, langue que je comprenais car c’était celle que les Borgia employaient en privé, eux qui s’étaient appelé « Los Boryas » avant leur arrivée ici. Les Romains ne leur avaient jamais permis d’oublier leurs origines espagnoles, et par crânerie ils s’y étaient accrochés.
    Lorsque la vieille femme hocha la tête, Sofia se tourna vers moi :
    — Voici Francesca. Elle va nous aider.
    — Alors, je ne l’ai pas rêvé ? demanda Rébecca. (Sa voix était si faible que je dus m’approcher, mais elle sembla s’affirmer au fur et à mesure de la conversation.) Ce que tu m’as dit… c’est bien réel ?
    Sofia avait déjà parlé seule à seule avec elle. Je ne sais ce qui s’était dit entre les deux femmes, mais j’étais heureuse de ne pas avoir à expliquer la raison pour laquelle nous faisions appel à elle.
    — La menace qui pèse sur nous ne l’est que trop, répliqua Sofia. J’aimerais qu’il en soit autrement, mais c’est ainsi. Ce qu’on te demande de faire est effroyable, je le sais…
    Rébecca leva faiblement une main veinée.
    — Toute ma famille… mon mari, mes enfants, mes si beaux petits-enfants… tous partis…
    Des larmes coulèrent le long de ses joues fripées. Sofia me prit à part pour me raconter son histoire.
    — Elle a été amenée ici il y a une semaine, par des gens qui l’avaient trouvée dans la rue. Elle vient de Lisbonne. Sa famille a été arrêtée au moment où ils quittaient la ville. On les a accusés d’avoir tenté d’emporter de l’argent avec eux. Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé ensuite, mais selon les témoins, elle est la seule à avoir survécu.
    Cela ne me surprenait guère. Certes, Leurs Majestés très catholiques, le roi Ferdinand et la reine Isabelle, avaient décrété que les juifs pourraient quitter leur royaume en vie – s’ils s’exécutaient dans un délai de trois mois, délai qui expirait dans quelques semaines maintenant. Mais ils n’avaient le droit d’emporter aucun objet de valeur avec eux : pas d’argent,

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