Furia Azteca
il tenait son nom.
Il continua : " Les statues et les frises qui sont gravées ici, à Xaltoc‚n, s'en vont, non signées, dans les gros canots de transport, et les artistes restent inconnus. Nos pères ne recueillent pas plus de gloire pour leur travail que l'esclave qui tresse des nattes avec les joncs du lac. Et pourquoi cela ? Parce que les statues et les décorations qu'on fait ici ne sont pas plus différenciées que ces nattes de roseau. Un Tlaloc, par exemple, ressemble trait pour trait à tous les autres Tlaloc qui ont été
sculptés à Xaltoc‚n depuis l'époque des pères des pères de nos pères.
- C'est sans doute parce qu'ils sont du go˚t des prêtres de Tlaloc, dis-je.
- Ninotlancuicui in tlamacazque, grommela Tlatli. " Je me moque pas mal des prêtres. " II était parfois aussi raide et immuable qu'une figure de pierre. " Je ferai des sculptures qui n'auront rien à voir avec tout ce qu'on a fait jusqu'à présent. Pas une ne sera semblable. Mais mon ouvre sera si originale que les gens s'écrieront " Ayyo, voilà une statue de Tlatli ! " je n 'aurai
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même pas besoin de les signer de mon emblème, le faucon.
- Tu voudrais faire des choses aussi belles que la Pierre du Soleil ?
suggérai-je. - Bien plus belles que ça, prononça-t-il d'un air buté. Je me moque bien de la Pierre du Soleil. " Cela me semblait bien audacieux, car j'avais vu la Pierre du Soleil.
Mais Chimali, notre ami commun, avait des ambitions encore plus vastes. Il voulait faire de la peinture un art indépendant de la sculpture qui était dessous. Son désir était de faire des peintures sur panneaux et des fresques murales.
" Oh ! si Tlatli me le demande, je lui peindrai ses grosses statues, déclara Chimali. Mais la sculpture ne demande que des couleurs simples, puisque la forme et le modelé sont là pour les éclairer ou les assombrir.
Et puis, je suis fatigué de ces couleurs, toujours les mêmes, dont se servent les autres peintres. J'essaie de faire mes propres mélanges : des couleurs dont je peux moduler les teintes et les nuances afin qu'elles donnent, par elles-mêmes, l'illusion de la profondeur. " II faisait de grands gestes dans le vide. " quand tu verras mes tableaux, tu croiras qu'ils ont forme et substance, même s'ils n'en ont pas et s'ils n'ont pas d'autres dimensions que celles du panneau lui-même.
- Et pour quoi faire ? demandai-je.
- A quoi servent la beauté et la forme vibrante du colibri ? répondit-il, regarde, suppose que tu es un prêtre de Tlaloc. Au lieu d'installer une énorme statue du dieu-pluie dans un petit temple et donc, l'encombrer encore davantage, les prêtres pourront me demander de peindre un portrait du dieu - comme je me l'imagine - avec en arrière-plan un paysage sans limites, balayé par la pluie. La pièce paraîtra bien plus grande qu'elle ne l'est en réalité. Voilà la supériorité des peintures minces et plates sur ces massives et énormes statues.
- Bien, dis-je à Chimali, en principe, un bouclier est plutôt mince et plat. " C'était une plaisanterie : Chimali signifie bouclier et Chimali était, en effet, un garçon maigre et efflanqué.
Je souriais avec indulgence devant les plans ambitieux 61
et les vues grandioses de mes amis. Je les enviais un peu aussi, peut-être, car ils savaient ce qu'ils voulaient faire et pas moi. Je n'en avais encore aucun idée et les dieux n'avaient pas jugé bon de m'envoyer un signe. Je n'étais certain que de deux choses. La première, que je ne voulais pas tailler et tirer des pierres dans une carrière bruyante, poussiéreuse et dangereuse. Deuxièmement, quelle que soit la voie choisie, je n'avais pas l'intention de rester à Xaltoc‚n ou dans un quelconque trou de province.
Si les dieux le permettaient, je tenterais ma chance dans l'endroit du Monde Unique le plus difficile, mais o˘ il y avait les plus grandes chances de réussite - la capitale du Uey tlatoani, là o˘ la compétition .entre les ambitieux est la plus acharnée et o˘ seuls peuvent réussir ceux qui en sont le plus dignes - dans la splendide, merveilleuse et terrifiante ville de Tenochtitl‚n.
Si je ne savais pas ce que je ferais, je savais du moins o˘, et cela depuis ma première et seule visite en ce lieu. Cette visite avait été le cadeau de mon père le jour de mes sept ans, jour o˘ je reçus mon nom.
Auparavant, mes parents, me traînant derrière eux, avaient été consulter le tonalpouhqui de l'île, ou celui qui connaît le
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