Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
les gradins ne se remplissaient quâà la troisième manche, quand les bouchons de circulation finissaient par se résorber.
à lâinverse, pour éviter dâêtre à nouveau prisonniers de la circulation après les parties, il était coutumier de voir des partisans commencer à quitter le stade en septième ou huitième manche, quitte à capter les derniers instants du match à la radio.
Mais durant ce fameux été 2002, quand le pointage était serré, de moins en moins de fans quittaient le stade avant que le dernier retrait soit enregistré. Tous voulaient participer au rite de la neuvième manche, qui était généralement suivi par une rapide mise à mort de lâattaque adverse.
Dès que le dernier frappeur des Dodgers était retiré en huitième, les premières notes de la chanson Welcome to the Jungle se faisaient entendre dans les haut-parleurs du stade. Et dâun seul bloc, les spectateurs se levaient et hurlaient en attendant que sâouvrent les portes de lâenclos, et que je fasse mon entrée sur le terrain.
Les gens ont longtemps cru que cette entrée en scène et ce choix de musique avaient été scénarisés par lâorganisation des Dodgers. Il nâen était rien. Câétait un phénomène tout à fait spontané qui ne cessait de croître. Si bien que ma sortie de lâenclos est peu à peu devenue, en soit, un spectacle.
En septembre 1999, quand jâavais été rappelé par les Dodgers pour la première fois, un représentant de lâorganisation était venu me demander quelle chanson je souhaitais entendre quand jâallais faire mon entrée sur le terrain au début des matchs.
â Je ne sais pas. Je nâen ai aucune idée, avais-je répondu.
Jâétais toutefois un gros fan de Metallica et de Guns Nâ Roses, deux groupes qui avaient beaucoup défrayé la manchette à Montréal durant mon adolescence. En 1992, les deux formations avaient dâailleurs offert au Stade olympique un spectacle qui sâétait soldé par une émeute. Axl Rose, le leader de Guns Nâ Roses, avait littéralement mis le feu à la baraque en tirant sa révérence après seulement 55 minutes sur scène.
Après quelques secondes de réflexion, je me suis donc ravisé et jâai choisi Welcome to the Jungle .
Câétait la première chanson qui mâétait venue à lâesprit parce que jâaimais son beat . Il nây avait absolument aucune idée derrière ça.
En 1999, 2000 et 2001, alors que jâétais lanceur partant, les gens entendaient cette chanson au début de chaque rencontre mais ils nây prêtaient pas vraiment attention. En 2002, par contre, jâai été utilisé dans 77 matchs. Les fans de lâéquipe mâont rapidement associé à cette musique et, petit à petit, ils ont fini par créer un rite dont le déroulement était réglé au quart de tour.
Il est difficile dâexpliquer ou de décrire mes entrées sur le terrain aux gens qui nâen ont pas été témoins. Ces moments étaient trop intenses. Dire que câétait «complètement fou» serait un euphémisme.
Il y avait 56 000 personnes qui se levaient dâun trait et qui étaient survoltées, comme si elles étaient plongées dans une sorte de transe. Cet accueil de rock star était quelque chose à vivre. Chaque fois, ce phénomène me chamboulait complètement à lâintérieur. Je nâavais pas «des» papillons dans lâestomac. Jâavais 100 millions de papillons dans lâestomac! Mon niveau dâadrénaline sâélevait nettement au-dessus de la limite maximale et je ressentais de véritables frissons chaque fois que je posais le pied sur la butte. Câétait en quelque sorte impossible de ne pas être emporté par ce formidable courant dâénergie.
En lâespace de trois mois, jâétais devenu lâune des figures les plus populaires de lâéquipe et lâune des nouvelles jeunes vedettes du baseball majeur.
Le 11 avril, je jouais mon avenir face aux Giants à San Francisco et Jim Tracy ne savait trop sâil devait me laisser terminer le match. Et le 9 juillet, 89 jours plus tard, jâétais sur le monticule du Miller Park de
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