Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
leur a permis de rejoindre leurs sièges juste à temps pour être témoins de mon premier lancer.
Grâce à mon agent Scott Boras, Valérie a aussi pu assister au match. Mon salaire des ligues mineures ne nous permettait pas dâacheter un billet dâavion pour faire le trajet San Antonio-Miami. Heureusement, Scott avait généreusement assumé cette dépense. Il ne voulait pas que Valérie rate cette grande première.
Dans les gradins, il y avait aussi Claude Pelletier, le recruteur québécois des Dodgers qui mâavait fait signer mon premier contrat professionnel. Grâce aux conseils et aux manÅuvres de Claude, jâavais progressé rapidement au sein de lâorganisation. Câétait aussi un grand jour pour lui. Jâétais son premier poulain à atteindre les majeures.
Mon père Richard et son frère Denis (qui est aussi mon parrain) complétaient la liste des proches qui avaient mis le cap sur Miami pour assister au match.
Pendant que la pluie tombait sur le stade, jâessayais de me détendre dans le vestiaire en regardant un film. Lâattente était interminable. Et quand les conditions météorologiques sont redevenues acceptables, jâétais plus nerveux que jamais.
Dans lâenclos dâexercice avant la rencontre, je ne me souviens pas dâavoir lancé une seule prise. Je lançais avec force mais la balle aboutissait nâimporte où. En plus, je nây voyais rien. Il faisait près de 30 degrés Celsius et, à cause de la pluie abondante qui sâétait déversée sur la région, le taux dâhumidité était si élevé quâune fine brume flottait dans lâair.
Je portais de toutes nouvelles lunettes et elles se couvraient de buée entre chacun de mes lancers.
Après mon bullpen, je suis allé mâasseoir à lâécart des autres joueurs pour essayer de me ressaisir. Claude Osteen, lâentraîneur des lanceurs, est alors venu me voir.
â Relax Eric. Just throw strikes. Keep the ball down and youâll be fine. Everything will be fine. Know your stuff and itâll take care of the rest.
Jâétais tellement rongé par le trac que je ne décodais pas ce quâil me disait. Dans ma tête, la traduction ne se faisait plus. Et je me disais:
«Arrête de me parler, crisse! Je ne comprends rien de ce que tu me dis!»
Jâétais tellement chargé dâadrénaline que je ne sentais plus le bout de mes doigts. Ils étaient comme engourdis. Câest la pire chose qui puisse arriver à un lanceur qui souhaite bien contrôler la balle.
Une fois juché sur le monticule, par contre, tout sâest apaisé après mon premier lancer.
Le premier frappeur à me faire face était le deuxième-but Luis Castillo, un coriace Dominicain qui a maintenu une moyenne offensive de ,290 et un pourcentage de présence sur les sentiers de ,368 durant ses 15 saisons dans les majeures.
Je lui ai dâabord servi une rapide sur le coin extérieur. Une prise.
Je suis ensuite revenu avec quelques rapides au même endroit, pour me forger une avance de 0-2. Puis sur le quatrième lancer, Castillo a regardé tomber une courbe sur le coin extérieur. Strike threeee!
Jâai ensuite retiré le deuxième frappeur, lâarrêt-court Alex Gonzalez, sur élan.
Le ton était donné. Dempster ne voulait pas perdre. Moi non plus. Et nous nous sommes livré un excellent duel de jeunes coqs «made in Canada».
Quand jâai quitté le match après six manches (le gérant Davey Johnson a décidé de me retirer du match après mon 100 e lancer), le pointage était toujours de 0-0. Je nâavais accordé que deux coups sûrs, un but sur balles et retiré huit frappeurs sur des prises.
Dempster, lui, a quitté la rencontre après la septième sans avoir accordé de point. Il avait concédé quatre coups sûrs, trois buts sur balles et retiré sept frappeurs à la plaque.
Pour couronner cette soirée magique, jâai obtenu un coup sûr à ma première présence au bâton dans le baseball majeur. Et jâai aussi soutiré un but sur balles à mon ancien roommate .
Un vieil adage dit que nous nâavons jamais une deuxième chance de faire une bonne première impression. Ce soir-là , nul doute que ma performance de
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