Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
que mon bras et ma carrière soient finis.
Elle mâa regardé un instant, incrédule. Lâeffet de surprise a semblé encore plus grand lorsquâelle a réalisé que jâétais tout à fait sérieux. Dans ma tête, câétait ma responsabilité dâêtre sur le monticule tous les soirs. Câétait ma plus grande fierté.
Les traitements et les injections se sont donc poursuivis et jâai continué à lancer aussi régulièrement quâauparavant. Entre le 8 et le 19 septembre, sur une période de 11 jours, jâai été crédité de 2 gains et de 4 victoires préservées. Mais ce nâétait pas suffisant. Nous perdions un match sur deux alors que les Giants, qui sâétaient emparés du deuxième rang de notre division, ne cessaient de gagner du terrain.
Le 22 septembre, les Giants ont décroché une neuvième victoire en dix rencontres. En deux petites semaines, lâavance de six matchs dont nous jouissions avait fondu comme neige au soleil et notre priorité sur eux ne sâélevait plus quâà une demi-partie.
Nous avions au moins notre sort entre nos mains. Dans les prochaines 24 heures, nous allions mettre le cap sur San Francisco pour y disputer une série de trois matchs contre nos plus grands rivaux. En fait, six des dix derniers affrontements prévus à notre calendrier impliquaient les Giants.
Le hic, câest que je nâétais plus capable de lancer la balle sur une distance de dix pieds! Depuis quelques jours déjà , je ne mâéchauffais plus avec mes coéquipiers parce que je ne voulais pas que les autres joueurs sachent dans quel état je me trouvais. Je ne lançais donc quâavec Todd Clausen.
La première fois que je lui ai demandé de venir lancer en ma compagnie, Todd sâest tout de suite rendu compte que jâétais mal en point.
â Câlice, Ãric, quâest-ce que tâas?
â Câest mon épaule. Ãa va pas pantoute!
Je suis donc allé voir le thérapeute de lâéquipe et je lui ai dit:
â Fuck , donne-moi tout ce que tu peux, man . Je mâen crisse.
Mettons tout de suite les choses au clair: il est impossible pour un lanceur de survivre à une saison de baseball professionnel sans consommer une quantité appréciable dâanti-inflammatoires. Surtout lorsquâon occupe un rôle de releveur.
Dans les mineures et lors de mes premières saisons dans les majeures à titre de partant, je consommais à lâoccasion des anti-inflammatoires comme des Advil, quâon peut se procurer à la pharmacie du coin. Cependant, dès que jâai commencé à être releveur, jâai vraiment commencé à avoir mal partout.
Parce que je lançais presque tous les jours, jâétais sans cesse courbaturé. Jâétais «racké» chaque jour et presque chaque heure de ma vie. Il mâétait donc impossible de fonctionner sans prendre une quelconque médication.
Nâimporte quel autre lanceur pourra témoigner de cette réalité: personne ne peut passer à travers une saison en buvant du jus de canneberge.
En fait, la charge de travail est tellement violente pour le corps que lors de mes deux premières années dans le rôle de closer , je devais continuer de consommer des anti-inflammatoires quotidiennement durant la morte-saison pour essayer de remettre mon coude, mon dos et mes genoux en état.
Dans un cadre dit normal, mon métier me forçait déjà à consommer dâassez importantes quantités de pilules pour fonctionner. Mais ce nâétait que de la petite bière en comparaison avec tout ce que jâai pu recevoir durant le dernier droit de la saison 2004.
On mâinjectait de la cortisone très régulièrement. De la lidocaïne aussi. Et durant les séries éliminatoires, on mâadministrait quotidiennement du Toradol, un anti-inflammatoire extrêmement puissant qui faisait totalement disparaître la douleur durant une période de cinq à huit heures.
Quand je quittais lâhôtel ou la maison pour me rendre au stade, jâétais incapable de lancer la balle. Et le même soir, quand je me présentais au monticule, mes rapides filaient à 95 milles à lâheure.
Le lendemain matin, jâétais encore plus mal en point que la veille. Je
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