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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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avait les goûts simples de l'homme des champs, plus occupé de ses propriétés que de descriptions champêtres. Elle était rêveuse, mélancolique, cherchant parfois la solitude ; il avait les habitudes et le laisser-aller d'un bon bourgeois.»
    Il était malaisé de faire admettre à la Cour que M. Dudevant eût obéi à l'amour conjugal en repoussant la séparation, et il convenait d'invoquer quelque sentiment plus plausible.
    Me Thiot-Varennes s'y évertua sans grand succès, en alléguant la tendresse paternelle. «S'il n'y avait pas d'enfants, s'écria-t-il, on pourrait croire que l'intérêt seul guide M. Dudevant. Mais ici, s'il résiste, s'il pardonne, s'il veut rappeler auprès de lui la mère de ses enfants, c'est parce qu'il songe à leur avenir. Et qu'on ne dise pas que les plaintes qu'il a élevées, les griefs qu'il a exposés rendent impossible la réunion des époux ! La loi a prévu le cas où le mari offensé peut poursuivre l'épouse infidèle, faire constater sa honte, sans qu'elle puisse cependant se soustraire au joug marital ; il a recours à la voie correctionnelle, et elle n'est pas autorisée pour cela à demander la séparation ; et même, la séparation prononcée, le mari peut la faire cesser en consentant à reprendre sa femme.» Toute cette argumentation, où intervient Jésus, homme ou Dieu, philosophe ou prophète, est très fragile. On sent que M. Dudevant avait un moindre souci de l'honneur que de l'argent. Et son avocat, pour masquer la vulgarité du personnage, hasarde la péroraison pathétique : «Madame, votre mari fut généreux en 1825 ; il l'est encore, car aujourd'hui comme alors il oublie vos torts et il vous pardonne.» Puis, venant à la question des enfants : «Peut-on les arracher à M. Dudevant pour les livrer à une mère qui a donné au monde le scandale de la vie la plus licencieuse et des préceptes les plus immoraux ?... Vos ouvrages, madame, sont remplis de l'amertume et des regrets qui dévorent votre coeur ; ils annoncent un dégoût profond. Les tourments de l'âme vous poursuivent au milieu de votre gloire et empoisonnent vos triomphes. Vous avez demandé le bonheur à tout, vous ne l'avez trouvé nulle part. Eh bien ! je veux vous en indiquer la route ; revenez à votre époux, rentrez sous ce toit où vos premières années s'écoulèrent douces et paisibles ; redevenez épouse et mère, rentrez dans le sentier du devoir et de la vertu ; soumettez-vous aux lois de la nature.
    Hors de là, tout n'est qu'erreur et déception, et là seulement vous trouverez le bonheur et la paix.»
    A cette mercuriale bourgeoise Me Michel (de Bourges) répondit, en invoquant les immunités du génie. Son exorde est pompeux, à la manière antique : «Pourquoi cette foule empressée qui nous environne ? Pourquoi cette réunion inaccoutumée qui se presse dans cette enceinte ? Pourquoi ces femmes parées comme pour un jour de fête ? Etes-vous appelés à délibérer sur une mesure d'où dépend le bonheur de l'Etat ? Allez-vous donner votre sanction à l'un de ces édits de clémence qui font la gloire d'un règne ? Non. Qu'est-ce donc, messieurs ? Une femme veut reconquérir sa liberté outragée, son indépendance foulée aux pieds. Elle vient ici demander un asile pour sa vieillesse, et pour consolation aux calomnies dont on l'a abreuvée, ses enfants, le fruit de ses entrailles ! Cette femme est la gloire de notre époque ; c'est le génie qui vient s'abattre de la hauteur de son vol dans le sanctuaire de la justice et courber son imposante majesté devant l'autorité sacrée des lois !» Prenant alors l'offensive, Michel (de Bourges) reproche à M. Dudevant d'avoir rompu un traité de séparation librement signé, d'avoir profané le domicile conjugal en y introduisant la débauche et la prostitution. «Il faut un arrêt pour le purifier.» Et brandissant la lettre de vingt pages dont Me Thiot-Varennes n'avait donné que des extraits, il la lit tout entière,-«cette lettre que M. Dudevant conservait comme l'arche sainte renfermant les moyens qui devaient nous broyer»-il y découvre, il y souligne les preuves de l'innocence de sa cliente. Aux pieds des Pyrénées, dans la vallée de Lourdes, devant une nature grandiose, elle a consommé le sacrifice d'une inclination chaste.
    L'effet de cette lecture fut saisissant, et le rédacteur de la Gazette des Tribunaux note dans son compte-rendu : «Ce passage, écrit à vingt ans avec une magie de

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