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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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de Musset et le docteur Pagello. Du moins il n'encourut pas la même disgrâce que Michel (de Bourges), Félicien Mallefille et plusieurs autres. En ce qui le concerne, la brouille retentissante ne succéda pas au violent enthousiasme. Ce fut une bonne liaison très littéraire, plus intellectuelle que  tendre. George Sand y recueillit la substance métaphysique de Pierre Leroux, qui reçut en échange des romans humanitaires pour la Revue Indépendante. Elle subit cependant à tel point l'ascendant du philosophe qu'elle voulut éduquer ses enfants dans les principes de cette religion sociale. D'autres furent ses amants, Pierre Leroux fut son grand-prêtre laïque. «Dites-lui, mande-t-elle le 22 février 1839 de Majorque où elle cohabite avec Chopin, que j'élève Maurice dans son Evangile. Il faudra qu'il le perfectionne lui-même, quand le disciple sera sorti de page.
    En attendant, c'est un grand bonheur pour moi, je vous jure, que de pouvoir lui formuler mes sentiments et mes idées. C'est à Leroux que je dois cette formule, outre que je lui dois aussi quelques sentiments et beaucoup d'idées de plus [Il convient, d'ailleurs, d'observer qu'elle écrira plus tard, en décembre 1847 : «C'est un génie admirable dans la vie idéale, mais qui patauge toujours dans la vie réelle.»].»
    Où trouver cette formule ? Sera-ce dans les deux oeuvres de George Sand que Pierre Leroux a marquées de son empreinte la plus profonde, Spiridion et les Sept Cordes de la Lyre ? L'élément de haute et abstraite psychologie y domine et presque y étouffe l'intrigue romanesque. Buloz n'avait aucune sympathie pour ce genre de littérature et ne l'accueillait dans la Revue des Deux Mondes qu'en maugréant et en réclamant pour ses lecteurs une pâture plus légère, plus facilement assimilable. George Sand, le 22 avril 1839, s'en explique dans une lettre à madame Marliani : «Dites à Buloz de se consoler ! Je lui fais une espèce de roman dans son goût. Mais il faudra qu'il paye comptant, et qu'avant tout il fasse paraître la Lyre. Au reste, ne vous effrayez pas du roman au goût de Buloz, j'y mettrai plus de philosophie qu'il n'en pourra comprendre. Il n'y verra que du feu, la forme lui fera avaler le fond.» De quel roman s'agit-il là ? Ce ne peut être d' Engelwald, un long récit dont l'intrigue, se déroulant au Tyrol, reflétait les doctrines républicaines de Michel (de Bourges), et dont le manuscrit fut retiré et détruit. Il est sans doute question, non pas d'Horace qui sera refusé par la Revue en raison de ses tendances socialistes, mais de Gabriel, roman devenu un drame, qui obtint les éloges les plus chaleureux de Balzac et repose sur l'ambiguïté de sexe d'une jeune fille, déguisée en garçon pour recueillir un majorat.
    Gabriel fut écrit à Marseille, au retour du voyage aux îles Baléares, et l'on peut supposer que l'écrivain y mit le reflet de son caractère et de sa pensée.
    Spiridion, commencé à Nohant et terminé à Majorque, dans la chartreuse de Valdemosa, en janvier 1839, est dédié en ces termes à Pierre Leroux : «Ami et frère par les années, père et maître par la vertu et la science, agréez l'envoi d'un de mes contes, non comme un travail digne de vous être offert, mais comme un témoignage d'amitié et de vénération.» Ils étaient alors, elle et lui, en parfaite communion d'aspirations philosophiques, en pleine lune de miel littéraire. «J'ai la certitude, écrira-t-elle encore le 27 septembre 1841 à Charles Duvernet, qu'un jour on lira Leroux comme on lit le Contrat social. C'est le mot de M. de Lamartine... Au temps de mon scepticisme, quand j'écrivais Lélia, la tête perdue de douleurs et de doutes sur toute chose, j'adorais la bonté, la simplicité, la science, la profondeur de Leroux ; mais je n'étais pas convaincue. Je le regardais comme un homme dupe de sa vertu. J'en ai bien rappelé ; car, si j'ai une goutte de vertu dans les veines, c'est à lui que je la dois, depuis cinq ans que je l'étudie, lui et ses oeuvres.» Cette étude  inspira à George Sand la thèse de Spiridion, ainsi qu'elle l'indique dans la préface générale écrite en 1842 et recueillie dans le volume, Questions d'art et de littérature : «Je demandai à mon siècle quelle était sa religion. On m'observa que cette préoccupation de mon cerveau manquait d'actualité. Les critiques qui m'avaient tant reproché de n'avoir ni foi ni loi, de n'être qu'un artiste, c'est-à-dire, dans

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