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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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aie mieux raconté ce nouveau roman...
    Je ne sais pas si ma conduite hardie vous plaira. Peut-être trouverez-vous qu'une femme doit cacher ses affections. Mais je vous prie de voir que je suis dans une situation tout à fait exceptionnelle, et que je suis forcée de mettre désormais ma vie privée au grand jour.»
    Pour avancer dans cette voie sans encombre, elle demande l'assistance de deux ou trois nobles âmes, entre lesquelles est Sainte-Beuve, et elle conclut sur le mode mystique : «Ce sont des frères et des soeurs que je retrouverai dans le sein de Dieu au bout du pèlerinage.» Un mois plus tard, elle reprend son hosannah, dans une lettre du 19 septembre au même Sainte-Beuve : «Je suis heureuse, très heureuse, mon ami. Chaque jour je m'attache davantage à lui ; chaque jour je vois s'effacer de lui les petites choses qui me faisaient souffrir ; chaque jour je vois luire et briller les belles choses que j'admirais. Et puis encore, par dessus tout, ce qu'il est, il est bon enfant, et son intimité m'est aussi douce que sa préférence m'a été précieuse. Vous êtes heureux aussi, mon ami. Vous aimez, vous êtes aimé. Tant mieux. Après tout, voyez-vous, il n'y a que cela de bon sur la terre. Le reste ne vaut pas la peine qu'on se donne pour manger et dormir tous les jours.»
    Pendant que George Sand épanchait ainsi ses confessions et son bonheur, Alfred de Musset s'était installé chez elle. De cette vie nouvelle, où la délicatesse du poète supportait malaisément certains bohêmes, hôtes familiers du logis, Paul de Musset nous a tracé, dans Lui et Elle, une peinture un peu chargée. George Sand eut tôt fait, d'ailleurs, d'écarter ceux de ses amis, de vieille ou fraîche date, qui déplaisaient à son aristocratique compagnon.
    Il semble, toutefois, qu'Alfred de Musset, au début, ne témoigna pas des répugnances aussi vives, non plus que des exigences aussi acariâtres ; car c'est la belle humeur qui domine dans les versiculets par lui consacrés à peindre les réunions du quai Malaquais :
      George est dans sa chambrette
      Entre deux pots de fleurs,
      Fumant sa cigarette,
      Les yeux baignés de pleurs.
      Buloz, assis par terre,
      Lui fait de doux serments ;
      Solange par derrière
      Gribouille ses romans.
      Planté comme une borne,
      Boucoiran tout mouillé
      Contemple d'un oeil morne
      Musset tout débraillé.
      Dans le plus grand silence,
      Paul, se versant du thé,
      Ecoute l'éloquence.
      De Ménard tout crotté.
      Planche saoûl de la veille
      Est assis dans un coin
      Et se cure l'oreille
      Avec le plus grand soin.
      La mère Lacouture
      Accroupie au foyer
      Renverse la friture
      Et casse un saladier.
      De colère pieuse
      Guéroult tout palpitant
      Se plaint d'une dent creuse
      Et des vices du temps.
      Pâle et mélancolique,
      D'un air mystérieux,
      Papet, pris de colique,
      Demande où sont les lieux.
    Aussi bien les plaisanteries et les mystifications étaient à la mode dans ce milieu jeune et joyeux, d'où l'on élimina Gustave Planche, sous prétexte qu'il manquait de tenue, en réalité parce qu'il avait été épris de George Sand et la traitait sur un ton familier de camaraderie. Le critique atrabilaire s'éloigna en maugréant et en gardant rancune à Musset de l'avoir évincé. Il y avait, quai Malaquais, des inventions drôlatiques que n'eussent pas désavouées les héros folâtres d'Henri Murger. Témoin ce dîner où figuraient plusieurs rédacteurs de la Revue, notamment le sévère Lerminier.
    On lui donna pour voisin de table le mime Debureau qui, ce soir-là, avait revêtu, au lieu du blanc costume de Pierrot, l'habit noir et la mine grave d'un diplomate anglais. Tout le long du repas, il garda le silence professionnel. C'est seulement au dessert, après une dissertation copieuse de Lerminier sur la politique étrangère, qu'il voulut expliquer à sa manière l'équilibre européen. Il lança son assiette en l'air, la reçut et la fit tournoyer sur la pointe du couteau. Lerminier n'avait jamais entendu interpréter de la sorte les traités de 1815.
    Cependant la place d'Alfred de Musset était demeurée vide. On regrettait vivement son absence. Le dîner fut servi assez mal par une jeune servante très novice, en costume de Cauchoise, «avec le jupon court, les bas à côtes, la croix d'or au cou et les bras nus.» Elle commettait maladresse sur maladresse, mais plusieurs des convives la

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