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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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vous m'écrivez à huit. Moi qui me couche à sept, j'étais tout grand éveillé au beau milieu de mon lit, quand votre lettre est venue. Mes gens auront pris votre commissionnaire pour un usurier, car on l'a renvoyé sans réponse. Comme j'étais en train de vous lire et d'admirer la sagesse de votre style, arrive un de mes amis (toujours à huit heures) lequel ami se lève ordinairement à deux heures de l'après-midi. Il était cramoisi de fureur contre un article des Débats où l'on s'efforce, ce matin même, de me faire un tort commercial de quelques douzaines d'exemplaires. En vertu de quoi j'ai essayé mon rasoir dessus.
    «J'irai certainement vous voir à minuit. Si vous étiez venue hier soir, je vous aurais remerciée sept fois comme ange consolateur et demi, ce qui fait bien proche de Dieu. J'ai pleuré comme un veau pour faire ma digestion, après quoi je suis accouché par le forceps de cinq vers et une( ?) hémistiche, et j'ai mangé un fromage à la crème qui était tout aigre.
    «Que Dieu vous conserve en joie, vous et votre progéniture, jusqu'à la vingt-et-unième génération.
    Yours truly
    Alfred de MUSSET.
    George Sand, qui avait en si peu de temps éprouvé de tels déboires d'amour, affectait-elle de ne pas entendre les sollicitations du poète ? Ou voulait-elle-ce qui est bien féminin-l'amener et l'obliger à des supplications encore plus pressantes ? Toujours est-il que l'auteur de la Ballade à la Lune dut mettre les points sur les i et formuler sa requête sentimentale. Il le fit dans une lettre naïve et touchante, exempte de cet insupportable dandysme qui recherchait les mots et le genre anglais :
    «Mon cher George, j'ai quelque chose de bête et de ridicule à vous dire : Je vous l'écris sottement, au lieu de vous l'avoir dit, je ne sais pourquoi, en rentrant de cette promenade. J'en serai désolé ce soir. Vous allez me rire au nez, me prendre pour un faiseur de phrases dans tous mes rapports avec vous jusqu'ici. Vous me mettrez à la porte et vous croirez que je mens. Je suis amoureux de vous, je le suis depuis le premier jour où j'ai été chez vous. J'ai cru que je m'en guérirais tout simplement, en vous voyant à titre d'ami. Il y a beaucoup de choses dans votre caractère qui pourraient m'en guérir. J'ai tâché de me le persuader tant que j'ai pu ; mais je paye trop cher les moments que je passe avec vous. J'aime mieux vous le dire, et j'ai bien fait, parce que je souffrirai bien moins pour m'en guérir à présent, si vous me fermez votre porte.
    «Cette nuit, pendant que (ces deux derniers mots ont été biffés par George Sand à la plume, et la ligne suivante est coupée aux ciseaux dans la lettre originale d'Alfred de Musset.)
    «J'avais résolu de vous faire dire que j'étais à la campagne, mais je ne veux pas vous faire de mystères, ni avoir l'air de me brouiller sans sujet. Maintenant, George, vous allez dire : «Encore un qui va m'ennuyer !» comme vous dites. Si je ne suis pas tout à fait le premier venu pour vous, dites-moi, comme vous me l'auriez dit hier en me parlant d'un autre, ce qu'il faut que je fasse. Mais, je vous en prie, si vous voulez me dire que vous doutez de ce que je vous écris, ne me répondez plutôt pas du tout. Je sais comme vous pensez de moi, et je n'espère rien en vous disant cela. Je ne puis qu'y perdre une amie et les seules heures agréables que j'ai passées depuis un mois. Mais je sais que vous êtes bonne, que vous avez aimé, et je me confie à vous, non pas comme à une maîtresse, mais comme à un camarade franc et loyal. George, je suis un fou de me priver du plaisir de vous voir pendant le peu de temps que vous avez encore à passer à Paris, avant votre voyage à la campagne et votre départ pour l'Italie, où nous aurions passé de belles nuits, si j'avais de la force. Mais la vérité est que je souffre et que la force me manque.
    «Alfred de MUSSET.»
    On n'a pas, par grand malheur, la réponse de George Sand à cette épître qui fleure un parfum de sincérité juvénile. Ce ne dut être ni un acquiescement ni un refus, mais une parole de vague espérance qui maintenait et surexcitait l'exaltation du poète.
    Il est au seuil de la Terre promise et il se désespère, dans une autre lettre qu'on n'a jamais entièrement citée. La voici en sa teneur intégrale :
    «Je voudrais que vous me connaissiez mieux, que vous voyiez qu'il n'y a dans ma conduite envers vous ni rouerie ni orgueil affecté, et que vous ne

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