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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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Musset à George Sand que la famille du poète n'a pas voulu laisser imprimer, mais que l'on colporte sous le manteau. Il en a paru des passages dans la biographie d'Alfred de Musset par Arvède Barine, dans les études de M. Maurice Clouard insérées à la Revue de Paris, et dans le volume de M. Paul Mariéton, Une Histoire d'Amour.
    Voici, in extenso, le texte de la lettre adressée à madame Sand, 19 quai Malaquais, vers le milieu de juillet, et où Alfred de Musset formule son appréciation sur Lêlia. Il y a de l'amour, c'est-à-dire de l'hyperbole et de la flatterie, dans cet éloge aussi enthousiaste pour la femme que pour le livre :
    «Eprouver de la joie à la lecture d'une belle chose faite par un autre, est le privilège d'une ancienne amitié. Je n'ai pas ces droits auprès de vous, Madame ; il faut cependant que je vous dise que c'est là ce qui m'est arrivé en lisant Lélia.
    »J'étais, dans ma petite cervelle, très inquiet de savoir ce que c'était ; cela ne pouvait pas être médiocre, mais enfin ça pouvait être bien des choses, avant d'être ce que cela est. Avec votre caractère, vos idées, votre nature de talent, si vous eussiez échoué là, je vous aurais regardée comme valant le quart de ce que vous valez. Vous savez que malgré tout votre cher mépris pour vos livres, que vous regardez comme des espèces de contre-parties des mémoires de vos boulangers, etc., etc., vous savez, dis-je, que pour moi un livre c'est un homme ou rien. Je me soucie autant que de la fumée d'une pipe, de tous les arrangements, combinaisons, drames, qu'à tête reposée et en travaillant pour votre plaisir vous pourriez imaginer et combiner. Il y a dans Lélia des vingtaines de pages qui vont droit au coeur, franchement, vigoureusement, tout aussi belles que celles de René et Lara. Vous voilà George Sand ; autrement vous eussiez été madame une telle, faisant des livres.
    «Voilà un insolent compliment. Je ne saurais en faire d'autres. Le public vous les fera. Quant à la joie que j'ai éprouvée, en voici la raison.
    «Vous me connaissez assez pour être sûre à présent que jamais le mot ridicule de «Voulez-vous ou ne voulez-vous pas ?» ne sortira de mes lèvres avec vous. Il y a la mer Baltique entre vous et moi sous ce rapport.
    Vous ne pouvez donner que l'amour moral, et je ne puis le rendre à personne (en admettant que vous ne commenciez pas tout bonnement par m'envoyer paître, si je m'avisais de vous le demander) ; mais je puis être, si vous m'en jugez digne, non pas même votre ami-c'est encore trop moral pour moi-mais une espèce de camarade sans conséquence et sans droits, par conséquent sans jalousie et sans brouilles, capable de fumer votre tabac, de chiffonner vos peignoirs, et d'attraper des rhumes de cerveau en philosophant avec vous sous tous les marronniers de l'Europe moderne. Si, à ce titre, quand vous n'avez rien à faire, ou envie de faire une bêtise (comme je suis poli !) vous voulez bien de moi pour une heure ou une soirée, au lieu d'aller ces jours-là chez madame une telle, faisant des livres, j'aurai affaire à mon cher monsieur George Sand, qui est désormais pour moi un homme de génie. Pardonnez-moi de vous le dire en face, je n'ai aucune raison pour mentir.
    «A vous de coeur.
    «Alfred de MUSSET.»
    Lélia avait servi d'entrée en matière ou de prétexte. Sous le couvert de la littérature, la déclaration était faite, par un artifice analogue à cette figure de rhétorique qui s'appelle la prétérition. L'aveu ne semble pas avoir été mal accueilli. Très peu de jours après, Alfred de Musset, qui avait un joli talent de dessinateur et surtout de caricaturiste, adresse à sa correspondante un petit portrait crayonné avec ces mots : «Mon cher George, vos beaux yeux noirs que j'ai outragés hier, m'ont trotté dans la tête ce matin. Je vous envoie cette ébauche, toute laide qu'elle est, par curiosité, pour voir si vos amis la reconnaîtront et si vous la reconnaîtrez vous-même.
    Good night. I am gloomy to-day.»
    Nous approchons de l'instant décisif. Les lettres d'Alfred de Musset se font de plus en plus familières. En voici une dont la date est sûre-28 juillet-comme on peut le constater par l'article qu'elle vise dans le Journal des Débats et qui traitait avec dédain le Spectacle dans un fauteuil et les Contes d'Espagne et d'Italie :
    «Je crois, mon cher George, que tout le monde est fou ce matin. Vous qui vous couchez à quatre heures,

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