George Sand et ses amis
ce stupide album n'est qu'un vil facétieux.
Il est vexant d'être accusé des turpitudes de George Sand
MUSSAILLON Ier.»
Ce tempérament d'enfant gâté, à la fantaisie débridée et maladive, aux soubresauts nerveux et convulsifs, presque hystériques, s'accordait, au début, avec les instincts maternels de George Sand. Il avait de soudains caprices qu'il fallait immédiatement satisfaire. Autour de lui, dans sa famille, on avait pris l'habitude de lui céder. Pourtant, le projet ou plutôt l'idée fixe du voyage en Italie rencontra une résistance inusitée. Sur ce point, Paul de Musset semble avoir dit vrai dans la Biographie, quand il relate qu'aux premières ouvertures d'Alfred leur mère répondit : «Jamais je ne donnerai mon consentement à un voyage que je regarde comme une chose dangereuse et fatale.
Je sais que mon opposition sera inutile et que tu partiras, mais ce sera contre mon gré et sans ma permission.» Devant les larmes de sa mère, il parut céder et alla donner contrordre aux préparatifs d'un départ tout prochain. George Sand ne se résigna pas si aisément. Voici comment elle intervint le jour même, si nous en croyons Paul de Musset : «Ce soir-là, vers neuf heures, notre mère était seule avec sa fille au coin de feu, lorsqu'on vint lui dire qu'une dame l'attendait à la porte dans une voiture de place, et demandait instamment à lui parler. Elle descendit accompagnée d'un domestique. La dame inconnue se nomma ; elle supplia cette mère désolée de lui confier son fils, disant qu'elle aurait pour lui une affection et des soins maternels. Les promesses ne suffisant pas, elle alla jusqu'aux serments. Elle y employa toute son éloquence, et il fallait qu'elle en eût beaucoup, puisqu'elle vint à bout d'une telle entreprise. Dans un moment d'émotion, le consentement fut arraché.»
Selon ce récit, George Sand aurait réussi, par des paroles dorées, à consommer sans violence l'enlèvement ou plutôt le détournement d'un jeune homme à peine sorti de minorité. C'est à peu près la même version que nous donne madame de Musset dans une lettre écrite le 10 avril 1859, après l'apparition de Lui et Elle, et qui a été rendue publique grâce à M. Maurice Clouard, [Alfred de Musset et George Sand, par M. Maurice Clouard, dans la Revue de Paris du 15 août 1896.] vigilant gardien de la mémoire d'Alfred de Musset. Elle rapporte, en des termes analogues à ceux de la Biographie, la venue de George Sand dans un fiacre, 59 rue de Grenelle : «Je montai dans cette voiture, dit madame de Musset, voyant une femme seule.
C'était Elle. Alors elle employa toute l'éloquence dont elle était maîtresse à me décider à lui confier mon fils, me répétant qu'elle l'aimerait comme une mère, qu'elle le soignerait mieux que moi. Que sais-je ? La sirène m'arracha mon consentement. Je lui cédai, tout en larmes et à contre-coeur, car il avait une mère prudente, bien qu'elle ait osé dire le contraire dans Elle et Lui.»
Quand elle rédigeait cette lettre aigrie et portait cette accusation, madame de Musset était enfiévrée par le conflit de récriminations rétrospectives qui avait suivi la mort de son fils et où, de part et d'autre, on eut le tort de batailler sur une tombe. Elle oubliait que, vingt-cinq ans plus tôt, le 17 mars 1834, elle écrivait de Paris à Alfred, malade à Venise : «J'ai une bien grande reconnaissance pour madame Sand et pour tous les soins qu'elle t'a donnés. Que serais-tu devenu sans elle ? C'est affreux à penser.» A distance, la gratitude s'est transformée en invectives et en calomnies.
N'est-il donc pas possible d'analyser de sang-froid les torts respectifs de deux êtres de génie, doués de caractères foncièrement incompatibles, au cours de ce voyage qui leur semblait une échappée vers quelque Terre promise ? Paul de Musset, âme cancanière et rancunière, note qu'il les conduisit, «par une soirée brumeuse et triste, jusqu'à la malle-poste où ils montèrent au milieu de circonstances de mauvais augure.» Est-ce parce qu'ils partaient le jeudi 13 décembre ? Dans Lui et Elle, Pierre-lisez Paul-qui accompagne les voyageurs, observe que leur voiture était la treizième, qu'elle heurta la borne sous la porte cochère des messageries et renversa, au coin de la rue Jean-Jacques Rousseau, un tonneau de porteur d'eau et l'homme qui le traînait.
Voilà, dans la fiction, et sans doute aussi dans la réalité, ce que Paul de Musset
Weitere Kostenlose Bücher