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George Sand

George Sand

Titel: George Sand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elme Caro
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la rive, sa tête reposant sur un tapis de lotus, son regard attaché au ciel.
Ainsi tous ces souvenirs nous reviennent dans le cadre heureux qui les reçut la première fois et les fixa pour toujours. Chacun des romans de George Sand se résume dans une situation et dans un paysage dont rien ne peut rompre ni déconcerter la poétique union. L'homme associé à la nature, la nature associée à l'homme, c'est une grande loi de l'art. Nul peintre ne l'a pratiquée avec un instinct plus délicat et plus sûr.
C'est qu'en effet la nature nous écrase de son silence et de sa grandeur quand la voix de l'homme ne vient pas l'émouvoir, quand ses muettes harmonies n'expriment pas une âme imaginaire que la nôtre conçoit et interprète. L'homme, dit quelque part Mme Sand, n'est pas fait pour vivre toujours avec des arbres, avec des pierres, ni même avec l'eau qui court à travers les fleurs ou les montagnes, mais bien avec les hommes ses semblables. Dans les jours orageux de la jeunesse on rêve de vivre au désert, on s'imagine que la solitude est le grand refuge contre les atteintes, le grand remède aux blessures que l'on recevra dans le combat de la vie ; c'est une grave erreur : l'expérience nous aura bientôt détrompés et nous apprendra que, là où l'on ne vit pas avec des semblables, il n'est point d'admiration poétique ni de jouissance d'art capables de combler l'abîme. C'est la pensée, c'est la souffrance, c'est le don humain de sentir ou d'aimer qui répand la vie au dehors et crée le paysage avec l'âme particulière qui le contemple. Mais, pour aider à ce travail d'idéalisation, la nature prête ses formes, ses harmonies, ses couleurs, et le tout, ainsi combiné, devient la matière immortelle de l'art.
La passion et la nature, Mme Sand est là tout entière.
    Tout ce qui est en dehors de cette double inspiration lui est comme étranger, comme venu d'une âme pour ainsi dire extérieure, et si les formes de son talent se plient encore, avec leur admirable souplesse, à quelque nouvelle sorte d'inspiration qui ne viendrait pas du fond même, on sent bientôt l'effort et le parti pris. Elle n'est elle-même, dans la plénitude de ses forces et la liberté de son art, qu'alors qu'elle raconte les troubles délicats de l'amour naissant, les violentes émotions des coeurs éprouvés par la vie ou qu'elle esquisse à grands traits les paysages alpestres, comme dans le voyage aux Pyrénées [Histoire de ma vie, t. VIII.], la vie et l'aspect de Venise, comme dans les Lettres d'un voyageur, ou les scènes tranquilles de la campagne du Berry, dont l'image la poursuivait à travers les enchantements de l'Italie. Elle arrive au comble de son art quand elle unit ces deux inspirations l'une à l'autre, et que, mêlant l'âme de l'homme à la nature, elle attendrit le paysage et ajoute à la grandeur la sympathie.
Cet amour de la nature, elle ne l'avait pas pris seulement à l'école de Jean-Jacques Rousseau, elle l'avait pris en elle-même. Elle avait senti la grandeur religieuse de la terre, la nourrice féconde ; son âme virgilienne avait vécu, pendant une grande partie de son enfance et de sa jeunesse, dans l'intimité des champs et des bois ; elle était vraiment la fille de ce sol natal qui l'avait bercée dans ses sillons, nourrie avec les petits pastours, façonnée à son image, formée de ses influences familières, consolée dans bien des chagrins sans cause, charmée de ses vagues terreurs. Par cette communauté de sensations, elle s'était faite elle-même la soeur des petits paysans qui avaient été pendant de longs mois sa compagnie vagabonde et qui, depuis, avaient grandi.
    De là lui vint tout naturellement au coeur le goût de la bucolique et de l'idylle qui apparaissent dans presque toutes ses oeuvres et qui deviendront même, à un moment de sa vie, un refuge contre les émotions violentes de la politique et comme un genre privilégié. C'est alors que, en face des injustices sociales dont elle était blessée, elle évoquera l'image de la vie champêtre et le tableau des intérieurs rustiques ; elle transportera de la scène du monde, qu'elle a jugée artificielle, sur une scène aussi humaine et plus naturelle à son gré, le conflit des passions et les drames du coeur, qu'elle poursuit toujours. Mais elle y transportera aussi quelques-unes des illusions de son imagination ; elle n'y verra bien souvent que des types embellis ou rectifiés de paysan poète, prêtre de la nature,

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