Gilles & Jeanne
cape et va en couvrir le crucifix accroché au mur derrière lui.
— Et maintenant, Poitou, continue !
— … il prenait sa verge, je veux dire son membre viril, et le frottait pour l’ériger, puis l’enfonçait entre les cuisses de l’enfant en évitant la voie naturelle des filles.
— Les cris des enfants ainsi maltraités ne pouvaient-ils donner l’alerte ?
— Pour éviter ces cris, le sire de Rais suspendait l’enfant par le cou à un crochet avec des liens. Ensuite avant que l’enfant meure étranglé, il le déliait, le ranimait, le cajolait, lui jurait que c’était sans malice et par simple amusement qu’il en agissait ainsi avec lui. Puis quand l’enfant commençait à se rassurer, il l’égorgeait et jouissait encore avec lui durant son agonie.
— Comment était tué l’enfant ?
— Parfois le sire de Rais le tuait de ses propres mains. Parfois il le faisait tuer par Henriet ou par moi. On lui coupait la tête, ou on lui ouvrait la gorge, ou encore on lui brisait la nuque avec un bâton, comme on fait d’un lapin. Le sire de Rais quant à lui se servait d’un glaive qu’il appelait familièrement son braquemart.
Sur un signe du promoteur, un huissier apporte le braquemart en question, et le présente à l’ensemble des juges.
25
Avec Henriet Griart, on entra dans des détails plus déliés. Le promoteur voulut d’abord savoir si certains enfants avaient eu la vie sauve après avoir servi au sire de Rais.
— Ce n’était pas seulement par précaution et pour les faire taire qu’il les tuait, précisa Henriet. Je l’ai entendu plus d’une fois se vanter d’avoir une plus grande délectation à tuer et à égorger les garçons et les filles, à les voir souffrir et à suivre les progrès de leur agonie qu’à exercer sa luxure sur eux.
— N’y a-t-il donc pas un enfant qui ait survécu aux caresses criminelles du sire de Rais ?
— Non, à une exception près. Quand le sire de Rais manquait de victimes fraîches pour exercer sa débauche, il avait recours aux jeunes chanteurs de sa chorale. Mais alors il n’en usait pas aussi cruellement avec eux, car il aimait passionnément la musique.
— Que faisiez-vous ensuite des corps et des vêtements ?
— Les corps étaient ensevelis dans la cheminée sous des tas de fagots, et on entretenait le feu jusqu’à ce qu’ils fussent réduits en cendres, et ces cendres étaient dispersées dans la terre et les eaux du château. Les vêtements étaient brûlés aussi, mais lentement et progressivement pour éviter un excès de fumée qui aurait pu intriguer à l’extérieur.
— Les cadavres des enfants n’étaient-ils pas utilisés auparavant à diverses fins ?
— Parfois les yeux, le cœur et les mains étaient disposés sur un plateau. Le sang emplissait un bassin. C’était pour faire offrande au Diable et gagner ainsi ses faveurs. Mais il arrivait aussi que le sire de Rais coupe la tête de plusieurs cadavres et les dispose sur une cheminée. Alors il nous appelait et nous obligeait à contempler cet étal avec lui et à lui dire laquelle nous trouvions la plus belle. Quand on s’était mis d’accord sur la plus belle, il la prenait entre ses mains et appuyait sa bouche sur sa bouche.
26
Le procès devait atteindre son sommet avec l’interrogatoire de Francesco Prelati. Le Florentin mit dans son allure, sa tenue et ses propos toute l’insolente élégance qui le caractérisait. Ce n’était pas adroit. Sans doute estimait-il qu’aucun calcul, aucune momerie, aucune bassesse ne pouvait sauver une cause aussi compromise que la sienne {5} . À moins peut-être qu’il fût incapable d’être autrement que lui-même. Sa morgue éclata dès sa première réponse. Le promoteur Chapeillon lui ayant demandé s’il s’appelait bien Francesco Prelati.
— Appelez-moi Prélat, exigea l’accusé.
— François Prélat, reprit docilement Chapeillon, vous êtes né il y a vingt-trois ans à Monte Catini, dans le diocèse de Lucques, en Italie. Vous avez reçu la tonsure cléricale de l’évêque d’Arezzo, et nonobstant vous vous êtes versé dans l’étude de la poésie, géomancie, chiromancie, nécromancie et alchimie.
Ce nonobstant éveilla un sourire ironique sur le visage de Prelati qui acquiesça.
— Il y a environ deux ans, comme vous logiez chez l’évêque de Mondovi, vous rencontrez dans les bas quartiers de Florence un certain abbé Eustache Blanchet qui se donne
Weitere Kostenlose Bücher