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Gilles & Jeanne

Gilles & Jeanne

Titel: Gilles & Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Tournier
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petite Jeanne ! s’exclame-t-elle.
    — On lui fait un mauvais procès à Rouen et tout est machiné pour la perdre.
    — Quel malheur que cette expédition à Compiègne ! se lamente la belle-mère du roi. Mais vous savez, Jeanne l’avait entreprise sans ordre de Charles, avec des hommes qu’elle avait recrutés elle-même. Charles ne voulait plus lui confier de commandement. Vous comprenez, maréchal de Rais, une bergère qui obéit à des voix célestes !
    — C’est pourtant à l’appel de ces voix qu’elle a délivré Orléans et fait sacrer Charles à Reims, rappelle Gilles décidément dépourvu de tact.
    — Sans doute, sans doute, mais on ne fonde pas une politique sur des miracles. Jeanne a échoué devant Paris. À force d’écouter ses voix, elle n’entendait ni conseil ni ordre. Vous vous souvenez, elle a dit qu’il fallait aller vite à l’ouvrage, car elle ne durerait pas au-delà d’une année. Eh bien, l’année est révolue !
    — Madame, quand Charles a été sacré à Reims, Jeanne se tenait debout à sa droite. J’étais à sa gauche. Maintenant Jeanne est prisonnière des Anglais qui veulent la faire mourir. Je suis venu demander au roi ce qu’il entend faire pour la sauver.
    Yolande est très contrariée. Décidément les chefs de guerre sont bien encombrants en temps de paix ! Celui-ci ferait mieux de ne plus quitter ses forêts vendéennes.
    — Charles est très occupé, murmure-t-elle. Je crains que vous ne soyez déçu…
    Il insiste lourdement.
    — J’ai de l’argent, des hommes, des chevaux. J’ai surtout la volonté de sauver Jeanne.
    Yolande soupire d’ennui.
    — Jeanne s’est condamnée elle-même. Vous aurez fort à faire !
    La scène suivante nous le montre auprès du roi. Il a trouvé un argument juridique qu’il juge apparemment sans réplique.
    — Sire, Jeanne est jugée par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais. L’évêque de Beauvais-dépend de l’archevêque de Reims, monseigneur Regnault, votre conseiller. Il faut que monseigneur Regnault en vertu de son privilège exige de son subordonné Cauchon communication des pièces du procès.
    Geste évasif de Charles qui regarde par la fenêtre en caressant une levrette blanche.
    Gilles désespéré descend les escaliers du château. Il se retrouve dans la cour. On lui amène son cheval. Il va l’enfourcher quand survient un vieux soldat tout aussi solitaire. Gilles le regarde. Son visage s’éclaire. C’est La Hire, son ancien camarade. Ils s’étreignent.
    — Où va mon maréchal ? demande La Hire.
    — Ton maréchal retourne s’enterrer chez lui, répond Gilles. Ici il n’y a personne, tu m’entends, personne !
    — Personne ?
    — Personne pour m’aider à arracher Jeanne aux Anglais. J’ai plaidé sa cause auprès de la reine mère, auprès du roi : oreilles bouchées, regards distraits, bouches menteuses. Personne !
    — Personne ? Et moi, alors ?
    — Toi ?
    — Moi, mon maréchal ! Allons-y ensemble. Jeanne ne sera pas surprise de voir arriver son compagnon Gilles et son vieux La Hire. Enfin, vous voilà ! elle va dire. Je vous attendais. Vous vous êtes amusés en route, peut-être ?
    Gilles entraîne son compagnon vers une table d’auberge.
    — Non, nous n’allons pas nous amuser en route, dit-il. Les godons tiennent toute la Normandie. Nous ne pouvons les attaquer de front. Il va falloir ruser. S’infiltrer dans leurs lignes avec une poignée d’hommes d’élite.
    La Hire propose deux compagnies de vétérans. En décembre 1429, il a lui-même repris Louviers aux Anglais. La place est restée française, et il y est connu, aimé. Ce sera leur point de départ pour un coup de force sur Rouen.

5
 
    Le printemps 1431 a été l’un des plus froids et des plus humides notés par la chronique. La petite troupe de Rais et de La Hire chemine dans une campagne désolée par la guerre et l’occupation étrangère. Ce ne sont que maisons effondrées, cadavres de chevaux, vols de corbeaux. Parfois il faut se cacher pour laisser passer un détachement anglais. Quand l’ennemi n’est pas trop nombreux, on l’attaque, mais alors il y a des pertes et elles sont irréparables. Malgré quelques coups heureux, les hommes de Rais et de La Hire sont décimés. Cependant les défenses de Rouen se révèlent formidables. Il faut se disperser, agir sous le couvert de déguisements. Gilles parvient à s’introduire dans la ville avec un seul compagnon. Il ne

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