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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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pas encore l’admettre.
    La voix grinçante du colonel l’arracha à ses pensées :
    — Se peut-il que le tableau se trouve dans une autre pièce ?
    Il avait complété son déguisement civil par un haut-de-forme noir et ressemblait à présent à un directeur de cirque russe. Tron en vint à se demander s’il ne faisait pas exprès d’avoir l’air bête – et si oui, pourquoi.
    — Nous avons déjà fouillé le palais de fond en comble.
    — Donc, le Titien a disparu, dit le colonel sur le ton impassible d’un homme qui analyse une situation militaire.
    Sa mine trahissait qu’il n’avait pas l’intention d’accepter ce revers – pas plus que la défaite de Gaète.
    — Et il semble bien que ce soit le seul, ajouta le commissaire d’un air songeur.
    Orlov fronça les sourcils.
    — Vous voulez dire que Kostolany n’a pas été assassiné hier soir par hasard ? Vous croyez que quelqu’un avait des visées sur le tableau ?
    Tron haussa les épaules.
    — Je l’ignore. Qui d’autre savait que vous vouliez le vendre à Kostolany ?
    — Personne. Même à Rome, personne n’était au courant, sauf M. Caserta, bien entendu.
    — Et le personnel ?
    — Aucun domestique ne nous a accompagnés en dehors de la femme de chambre de Mme Caserta. Par ailleurs, le Titien se trouvait dans une caisse sous scellés qui n’a été ouverte qu’hier soir dans cette pièce.
    — Quand avez-vous pris contact avec M. Kostolany ?
    Orlov comprit aussitôt où il en voulait en venir.
    — Après notre arrivée à Venise. Je lui avais annoncé notre visite hier matin. Sans lui préciser de quoi il s’agissait. Il n’a pas pu parler du Titien à quiconque.
    Il était par conséquent improbable que l’assassin ait voulu s’emparer de ce tableau en particulier. Cela étant, on pouvait se demander pourquoi il n’avait pas saisi l’occasion d’emporter un ou deux petits formats supplémentaires. Ce modeste Longhi par exemple (deux femmes contemplant un hippopotame), accroché à hauteur d’yeux au-dessus d’une console (prêt à partir, pour ainsi dire), ou cette belle esquisse à l’huile de Piazzetta à côté de la porte donnant sur l’eau – deux œuvres faciles à transporter et certainement de grande valeur. Mais peut-être, pensa Tron, valait-il mieux poser pour le moment des questions auxquelles quelqu’un était en mesure de répondre. Il regarda Orlov.
    — Pourquoi les Caserta n’ont-ils pas vendu leur Titien à Rome ?
    Une question à laquelle le colonel s’était manifestement attendu et à laquelle il répondit sans hésiter.
    — Ils ne voulaient pas qu’on apprenne cette vente.
    Il tourna la tête vers la fenêtre et observa les nuages au-dessus de la Douane de mer avec un rictus de fureur.
    — La Rome légitimiste est un vrai nid de vipères, expliqua-t-il. La plupart des réfugiés ont de l’eau jusqu’au cou, mais aucun ne veut l’avouer.
    — Les Caserta ont-ils eux aussi de l’eau jusqu’au cou ? demanda Tron, frappé par la discrétion du colonel dès qu’il était question des Caserta.
    L’espace d’un instant, son visage se ferma comme une huître. Puis il sourit et dit :
    — Jusqu’à la ceinture.
    — Et comment connaissaient-ils Kostolany ?
    — Je lui avais déjà vendu quelques dessins appartenant aux Caserta il y a six mois de cela. C’est pourquoi Mme Caserta n’a pas hésité à lui confier le Titien pour une expertise.
    Orlov tourna légèrement la tête et jeta un regard martial sur une formation nuageuse au-dessus de San Samuele, puis fixa le commissaire avec acuité.
    — Que dois-je annoncer à Mme Caserta à mon retour à l’hôtel, comte ?
    Il avait quelque peu adouci le ton heurté de sa voix en fin de phrase. Pourtant, sa question contenait une menace implicite.
    Sans doute voulait-il entendre que le commissaire allait lancer sur-le-champ l’ensemble des policiers disponibles à la recherche du Titien disparu. Tron lui adressa un sourire poli.
    — Dites à Mme Caserta que nous suivons déjà toute une série de pistes.
    Cette affirmation était quelque peu exagérée puisque sa seule piste se limitait à Valmarana, mais Orlov sembla se détendre à l’annonce de cette nouvelle.
    — Mme Caserta a une grande confiance en vous, comte, dit-il avec une raideur cérémoniale. Elle m’a expressément chargé de vous le faire savoir.
    Il tira sur l’œillet de sa boutonnière en observant un voilier chargé de tonneaux qui passait juste sous les fenêtres du

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