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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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peut-être vous accompagner, suggéra le sergent, la mine soucieuse. Vous ne le connaissez pas.
    — Je crois que nous étions dans la même classe au séminaire patriarcal. Mais cela date.
    — Que fait un comte Valmarana aux chemins fer ?
    Bonne question, songea Tron. Que fait un comte Tron dans la police ? Il répondit sans réfléchir :
    — Il fait sans doute partie des directeurs.
    Cette hypothèse ne convainquit guère le sergent.
    — Les Valmarana me semblent malgré tout sur le sable.
    — Vous n’avez pas idée de ce que coûte l’entretien d’un palais, Bossi. Trois salaires de directeur n’y suffiraient pas.
    Le commissaire poussa un profond soupir.
    — Croyez-moi…
    À présent, la gondole touchait le quai. Une dernière rotation de la godille dans le tolet immobilisa l’embarcation. Bossi se leva, les bras écartés, et Tron constata sans surprise que la Piazzetta et la place Saint-Marc étaient bondées. De longues queues de touristes s’étaient formées devant les embarcadères où les gondoles accostaient. Des pigeons voletaient sur le pavé. Des officiers de l’armée impériale bavardaient en petits groupes. Et comme l’été approchait de façon irrémédiable, une odeur d’eau stagnante et de sueur de fin de semaine planait au-dessus de l’ensemble. Bien entendu, pensa le commissaire, cette foule représentait un vivier de rêve pour les voleurs à la tire. D’ici à la fin de la journée, Bossi aurait au moins une douzaine de plaintes à enregistrer.
    Pour le moment cependant, le sergent semblait préoccupé par autre chose. Une fois sorti de la gondole, il se retourna une dernière fois vers son supérieur.
    — Quant à signora Caserta…, laissa-t-il tomber d’une voix lente. Cela ne peut pas être son nom.
    Tron haussa les sourcils.
    — Qu’est-ce qui vous gêne ?
    — Le signora devant son nom de famille.
    Bossi balança la tête, puis reprit d’un air songeur :
    — Elle me fait l’effet d’une grande dame, habituée à donner des ordres.
    — Une proche du roi de Naples ? suggéra Tron.
    — Oui, approuva le sergent, une marquise de Caserta, par exemple.
    — La vente d’un Titien conviendrait en effet mille fois mieux à une marquise qu’à une simple signora, renchérit le commissaire. Et son attitude autoritaire également.
    Bossi leva les yeux et posa l’index de sa main droite sur sa lèvre inférieure. Il faisait toujours ce geste quand il méditait de manière intense.
    — Peut-être, finit-il par dire, cette Mme Caserta est-elle en fait…
    Il s’interrompit et déglutit d’un air excité.
    — Je sais bien que cela paraît absurde, commissaire, mais la reine de Naples est belle et jeune. Et…
    Il regarda son chef.
    — Tout concorde, commissaire !
    Tron ne put s’empêcher de rire. Ce qui ne concordait pas le moins du monde, se dit-il, c’était l’obsession de Bossi pour les chaînes d’indices et l’imagination débordante dont il faisait preuve de temps à autre. La pensée que la reine de Naples soit venue à Venise en personne pour y vendre un Titien était bien entendu le comble de l’absurde.
    — Félicitations ! déclara-t-il, le visage impassible. Je me demandais combien de temps il vous faudrait pour arriver à cette conclusion, sergent.
    Bossi écarquilla si fort les yeux qu’ils parurent presque en sortir de leurs orbites.
    — Mme Caserta est la reine de Naples ? La regina del Sud ? Comment le savez-vous, commissaire ?
    Tron sourit d’un air indulgent.
    — Un mélange d’instinct et d’expérience, j’imagine. Nous avons bel et bien affaire à Marie-Sophie de Bourbon. Vous possédez un remarquable sens de l’observation, sergent !
    Il leva la main pour ordonner au gondolier de quitter le ponton et rendit son salut à Bossi en tapotant nonchalamment le bord de son haut-de-forme. Il avait beaucoup de mal à s’empêcher de rire. Le sergent était à coup sûr un fin limier, mais il ne possédait pas le moindre sens de l’humour.
    Tron s’en amusa encore pendant une centaine de mètres, mais, quand la gondole aborda le coude du Grand Canal, la mauvaise conscience se mit à le tarauder. Au fond, trouva-t-il, ces plaisanteries stupides sur le dos du sergent étaient de mauvais goût.

7
    Une bande de tissu de la longueur de trois draps, fixée par le haut à une corde tendue d’un mur à l’autre, tombait en plis arrondis et presque symétriques, rappelant à Tron les robes sur les tableaux de Bartolomeo Schedoni. Cette

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