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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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à pied.
    — Quatre caisses de deux cents pièces chacune, précisa la comtesse. Soit huit cents gondoles. En espérant qu’aucune n’est cassée.
    Huit cents fragiles gondoles qu’on ne sait quels Français avaient emballées dans quatre caisses ? Pourquoi pas ?
    — Tu pourrais peut-être m’expliquer de quoi il retourne ? demanda Tron.
    Sa mère leva les sourcils d’un air étonné.
    — La princesse m’assure t’en avoir parlé !
    Ils en avaient parlé ? Il réfléchit un instant, mais ne se souvint pas d’avoir discuté de huit cents gondoles. Se pouvait-il que sa mère le confonde avec un autre ? Ou Maria l’avait-elle peut-être confondu avec quelqu’un ? Avec Moussada par exemple ? Le commissaire ne voulait exclure aucune hypothèse. Il s’éclaircit la gorge : — Parlé de quoi ?
    — De notre campagne ! s’exclama sa mère. Une idée qui m’a traversé l’esprit et que la princesse a aussitôt approuvée.
    Le ton sur lequel elle avait prononcé le mot campagne l’inquiéta.
    — Je ne comprends pas de quoi tu parles, s’obstina-t-il.
    — Des gondoles en verre pressé, poursuivit-elle. Une fabrication artisanale nous aurait pris des mois et nous aurait coûté une fortune. C’est pourquoi nous les avons commandées en France.
    — Et à quoi vont-elles servir, ces gondoles ?
    C’était la première fois qu’il entendait parler de verre pressé.
    — De cendriers. De presse-papiers. Ou bien pour les cure-dents, les cartes de visite, les plumes en acier. Pour se débarrasser des arêtes à table. Ou comme simple décoration !
    Une réponse mystérieuse. Quand bien même ils se mettraient tous à fumer autant que la princesse, à manger des tonnes de poisson et à collectionner les cartes de visite, ils n’avaient pas besoin de huit cents gondoles. Il toussota de nouveau.
    — Qu’est-ce que c’est, du verre pressé ?
    — Du verre pressé, répéta sèchement la comtesse. Eh bien, on prend du verre en fusion, on le verse dans un moule, on referme dessus un autre moule – clac ! – et voilà, la gondole est finie.
    Elle posa sa fourchette et plia les doigts de sa main gauche pour en faire une sorte de demi-boule dans laquelle vint s’écraser le poing de sa main droite.
    — Le poinçon, ajouta-t-elle, est toujours un peu plus petit que l’empreinte. C’est pourquoi le plan de joint doit toujours se situer dans la partie la plus large de l’objet.
    Tron, déjà embrouillé par les termes de poinçon et d’empreinte, avait du mal à suivre. Il se contenta donc de demander : — Tu n’aurais pas une de ces gondoles à portée de main ?
    Sur un geste de la comtesse, Alessandro disparut dans la grande salle et en revint bientôt avec une petite boîte en carton, encore souillée par quelques copeaux de bois français. L’objet longiligne que la comtesse en sortit et qu’elle posa sur la table formait un ovale en verre fumé à dominante verte, de la taille d’une grosse main masculine, reposant sur sa base aplatie. On aurait dit un concombre coupé en deux dans le sens de la longueur et vidé à l’aide d’une petite cuillère. Sur la proue du concombre, on pouvait lire en lettres inclinées, probablement censées traduire le dynamisme, le nom de TRON . Le commissaire se pencha au-dessus de la table et s’empara du concombre (pardon, de la gondole). Elle était plus lourde qu’il ne s’y attendait. Sans le vouloir, il pensa aux fameux objets contondants qu’on retrouvait, couverts de sang, à côté des cadavres.
    Il reposa la gondole en verre sous le regard plein d’espoir de sa mère. Du coin de l’œil, il nota qu’Alessandro, immobile devant le buffet, avec ses gants blancs, l’observait lui aussi avec attention. La comtesse attendait-elle un commentaire d’ordre esthétique ? Ou devait-il plutôt évoquer les aspects pratiques de la chose ? Peut-être pourrait-il suggérer qu’on pouvait également y conserver des pralines et de la monnaie ? Il dit : — Je me demande juste pourquoi avoir commandé huit cents pièces. Je veux bien que nous en cassions une de temps en temps, mais…
    La comtesse roula des yeux.
    — Les gondoles ne sont pas pour nous, Alvise !
    — Eh bien, pour qui alors ?
    La réponse de sa mère fusa comme un obus :
    — Pour notre campagne !
    Et nous y revoilà ! Cette fois, le mot paraissait encore plus dangereux.
    — Une campagne, expliqua Tron, est une expédition militaire.
    La définition plut beaucoup à sa mère. Elle renchérit : —

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