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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Et les gondoles sont nos boulets de canon !
    — Qu’as-tu l’intention de bombarder ?
    — La concurrence !
    — Je ne comprends pas.
    — Nous allons distribuer trois cents gondoles aux grands hôtels, expliqua-t-elle sur un ton d’officier d’état-major. Plus deux cents aux cafés, aux restaurants et à la Lloyd autrichienne.
    — Et ensuite ?
    — Tous les jours, des milliers de gens vont utiliser nos gondoles et avoir sous les yeux le nom de Tron .
    — Ce qui leur donnera envie d’acheter notre cristal ?
    Elle hocha la tête.
    — C’est l’idée. Nous commençons lundi.
    Elle but une gorgée de pinot grigio tiède et afficha une satisfaction démonstrative.
    — Au fait, nous avons aussi pensé aux administrations.
    — À quelles administrations ?
    — La Kommandantur. Ou le quartier général à Vérone.
    Elle le fixait d’un regard qui ne laissait rien présager de bon.
    — Ainsi que le commissariat, Alvise. Tu pourrais en parler à Spaur et…
    — Ordonner à Bossi de déposer une gondole en verre pressé sur tous les bureaux du commissariat ?
    Elle approuva.
    — Je ne vois pas ce qui s’y oppose. Bien entendu, le soir du bal, chacun de nos invités repartira avec une gondole en verre. Quand comptes-tu revoir la reine ?
    — Dès qu’il y aura du nouveau au sujet du Titien.
    — Ce qui n’a pas l’air d’être le cas, en conclut-elle d’un ton sévère.
    — Nous interrogeons toujours les témoins, répondit-il. Je dois m’entretenir cet après-midi avec le consul de Russie.
    Elle inclina la tête d’un air étonné.
    — Le prince Troubetzkoï ?
    — Tu le connais ?
    — Pas en personne.
    Elle haussa les épaules.
    — On prétend qu’il boit et qu’il croule sous les dettes.
    — On dit cela de tous les Russes. La plupart du temps, c’est faux.
    — Qu’est-ce que le grand-prince vient faire dans cette histoire ?
    — Nous croyons qu’il a rendu visite à la victime le soir du crime.
    — On le soupçonne ?
    Tron secoua la tête.
    — Nous devons juste vérifier à cause d’une inscription dans l’agenda de Kostolany.
    La comtesse inspectait son anguille d’un air songeur.
    — Il paraît que les Russes fument comme des sapeurs, lâcha-t-elle en passant. Si tu rends visite au grand-prince, tu pourrais lui apporter une gondole. En guise de cendrier.
    Il lui lança un regard glacial.
    — Je pourrais.
    — Qu’est-ce que cela veut dire ? s’insurgea-t-elle.
    Elle le dévisagea comme une recrue qui refuse d’exécuter un ordre. Il préféra ignorer sa colère.
    — Cela veut dire que je ne suis pas saint Nicolas. Ni représentant de commerce.
    — Personne n’attend de toi que tu leur remettes la liste des prix !
    — C’est très gentil de ta part. Je te remercie.
    — Mais enfin ! s’obstina-t-elle sans se laisser troubler, un prince de ce rang a forcément des relations importantes. Nous aurions intérêt à lui faire découvrir nos produits. Surtout que ça chauffe en Russie, à en croire la princesse.
    Pardon ? En pensée, Tron vit une place baignée de soleil et une église aux clochers à bulbe devant laquelle des cosaques se vendaient de la vodka. Ce n’était sûrement pas ce que sa mère et la princesse avaient voulu dire. Mais dans la salle aux tapisseries, en tout cas, il faisait trop chaud pour continuer à poser des questions.

11
    La calle Mocenigo formait une étroite ruelle donnant sur le Grand Canal et traversée par un pont d’une altitude vertigineuse (du moins lorsqu’on levait la tête du fond de la ruelle). Le pont (en fait une passerelle munie de rambardes) reliait le balcon du palais Contarini delle Figure à celui du palais Mocenigo.
    Au cours des dernières semaines, Tron s’y était souvent rendu pour discuter du programme musical du bal avec Constancia Potocki, laquelle occupait (comme il avait eu la surprise de le constater la première fois) l’appartement habité par lord Byron lors de son séjour à Venise. Quelques années auparavant, l’ Emporio della Poesia avait consacré un numéro spécial au poète anglais et, depuis, Tron avait créé un comité pour réclamer une plaque commémorative sur la façade.
    Se pouvait-il que les Potocki fréquentent les Troubetzkoï ? Le commissaire, passé chercher Bossi au commissariat une demi-heure plus tôt et à présent plongé dans la lecture des noms à l’entrée du palais Contarini, en doutait. De solides et fidèles inimitiés unissaient les Polonais et les Russes. Selon toute

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