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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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entre les mains du grand-prince. Qui en profitait allègrement.
    — Il prenait des commissions ?
    — Il faisait aussi monter les prix grâce à de fausses attributions. Quand Kostolany disait « de l’atelier de Véronèse », Troubetzkoï en faisait un véritable Véronèse. Ce qui augmentait d’autant la valeur du tableau. Il y a deux mois, Kostolany a découvert par hasard qu’il avait rebaptisé un Ricci. Il a mené sa petite enquête et constaté que ce n’était pas la première fois que le consul les trompait, le tsar et lui.
    — Lui a-t-il demandé des comptes ?
    Le propriétaire du magasin sourit d’un air blasé.
    — Oui, bien sûr. Mais Troubetzkoï a nié de bout en bout. Alors, Kostolany a commencé à rassembler des preuves pour s’adresser en personne à l’ambassadeur de Russie à Vienne.
    Il regarda le commissaire et énonça une évidence.
    — Le grand-prince ne va pas pleurer sur son sort quand il apprendra la mort de Kostolany.
    — S’il n’est pas déjà au courant…
    Mon Dieu, songea Tron, comment ai-je pu me montrer aussi distrait ? Pendant un instant, il se réjouit de l’absence de Bossi. Le sergent aurait sans doute établi le lien plus vite que lui.
    — En fait, reprit-il, nous avons une autre piste en dehors de Valmarana. Kostolany avait en outre noté deux initiales dans son agenda pour jeudi soir : un « P » et un « T ».
    — Piotr Troubetzkoï ?
    Sivry remplit son verre de liqueur et y trempa les lèvres.
    — Voulez-vous dire que le grand-prince s’est rendu au palais da Lezze la nuit du crime ?
    — Il serait peut-être judicieux de le lui demander. Vous le connaissez ?
    — Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois, dans la salle d’Apollon à La Fenice, répondit le marchand. Il discutait avec Kostolany, qui a fait les présentations.
    Sivry adressa un regard soucieux au commissaire.
    — Que projetez-vous de faire, comte ?
    — Rendre une visite à Troubetzkoï après le déjeuner pour lui poser quelques questions. Sur ses rapports avec Kostolany et sur l’inscription dans l’agenda.
    Le Français se leva, se tourna vers le grand miroir qui surplombait une commode et redressa sa cravate.
    — Dans ce cas, emmenez votre sergent avec vous, dit-il. S’il ne voit pas d’uniforme, le grand-prince n’éprouvera aucun respect. Il aime l’uniforme. Il est quand même capitaine des hussards d’Alexandre.

10
    Une demi-heure plus tard, Tron plantait sans conviction sa fourchette dans l’anguille qu’Alessandro lui avait servie sans conviction non plus. Du point de vue de la couleur, l’ anguilla in umido , c’est-à-dire à la sauce tomate, lui rappelait de la glace à la vanille nappée de sauce aux griottes. Il aurait du reste mille fois préféré un dessert froid à un poisson tiède car la petite brise qui avait rafraîchi l’atmosphère au cours de la matinée était retombée. En ce début d’après-midi, une chaleur de plomb pesait sur les toits de la lagune et Tron se demandait quelle serait la température en plein été si le mois de juin se révélait déjà aussi insupportable.
    Autrefois, songea-t-il, personne ne passait l’été en ville. Les Vénitiens avaient coutume de se retirer dans leurs villégiatures à la campagne. Les Tron n’avaient-ils pas un jour possédé une propriété dans la fraîche région d’Asolo ? Il se rappelait vaguement une remarque de son père à ce sujet. Selon toute vraisemblance, ses ancêtres avaient été obligés de vendre ce domaine, comme presque tous les tableaux du palais qui avaient laissé d’affreux rectangles sur les murs tapissés de damas.
    Le commissaire desserra sa cravate, but une gorgée de pinot grigio amer et avala sans appétit une bouchée d’anguille. Le vin et le poisson s’accordaient à la perfection, tous deux étaient à température ambiante.
    — Je sais qu’on mange mieux chez la princesse, laissa tomber sa mère. Elle aurait pourtant toutes les raisons de faire des économies…
    La princesse, des raisons de faire des économies ? Tron ne voyait pas ce qu’elle voulait dire, mais la suite lui parut encore plus brumeuse.
    — Ne serait-ce qu’à cause des gondoles qu’on vient de livrer. Les factures doivent être réglées sans délai.
    Tron releva la tête.
    — Quelles gondoles ?
    — Les gondoles de Baccarat. Tu n’as pas vu les caisses dans l’ androne ?
    Le commissaire fit non de la tête.
    — Je n’ai pas utilisé la porte donnant sur l’eau. Je suis rentré

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