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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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avoir peint deux faux.
    Le regard que lui adressa la reine ne lui parut pas spécialement bienveillant.
    — Et avoir vendu le second à Kostolany ? demanda-t-elle. De sorte que, de fait, ce tableau-ci ne serait pas l’original ? Je vous ai bien compris cette fois ?
    Il approuva.
    — Oui, c’est cela.
    Le colonel sourit – un sourire forcé selon Tron.
    — Ne trouvez-vous pas cette théorie un peu hardie, commissaire ?
    — Que savez-vous sur le père Terenzio ? riposta-t-il.
    Orlov haussa les épaules.
    — Il passe pour un copiste de génie. C’est un dominicain. Mais pas un fanatique.
    — Croyez-vous possible qu’il ait confectionné une deuxième copie et l’ait vendue ici à Venise ?
    Le colonel réfléchit un bref instant.
    — Cela me semble assez improbable. Et quand bien même ce serait le cas, comment voulez-vous le démontrer ?
    — En soumettant le tableau à un expert !
    Tron était persuadé que Sivry serait en mesure de distinguer une copie d’un original. Au bout du compte, les faux étaient sa spécialité.
    — Et s’il s’avère qu’il s’agit bien d’une copie ? poursuivit Orlov.
    — Nous saurons que votre dominicain a reproduit le tableau deux fois. Et il nous devra des explications.
    Le colonel écarta cette hypothèse avec un haussement d’épaules.
    — Le père Terenzio est à Rome.
    Il n’était encore jamais arrivé que Bossi prenne la parole au milieu d’une conversation ou d’un interrogatoire mené par le commissaire. Pourtant, cette fois, c’est ce qui se produisit. Le sergent fit un pas en avant, prit une attitude militaire et déclara : — Le père Terenzio n’est pas à Rome, colonel.
    — Comment ?
    Orlov lui adressa un regard irrité. Il avait l’air outré qu’un subalterne intervienne de son propre chef. Néanmoins, Bossi ne se laissa pas démonter.
    — Un certain père Terenzio séjourne à Venise depuis deux mois. Il restaure le plafond de San Pantalon.
    — Comment le savez-vous, sergent ?
    — J’habite sur le campiello Mosca, expliqua-t-il. San Pantalon est notre église. Le prêtre est grimpé tous les jours sur son échafaudage jusqu’en fin d’après-midi.
    — Dans ce cas, dit Tron, je vais lui rendre visite.
    — Et quand ? voulut savoir le colonel.
    Le commissaire sortit sa montre de gousset. Elle indiquait midi. Au même moment, le carillon de la Salute retentit comme pour confirmer l’heure.
    — Je pourrais y aller tout de suite.
    Les lèvres du colonel s’abaissèrent dans une grimace sceptique ; il ne semblait pas faire grand cas d’une discussion avec le dominicain.
    — Qu’attendez-vous de cette visite ? Rien ne prouve que ce tableau soit une copie. Rien sinon l’affirmation d’un suspect.
    — C’est exact, convint Tron. Mais ce suspect est tout de même le consul de Russie.
    Cette fois, Orlov manifesta une grande surprise.
    — Vous voulez parler de Troubetzkoï ?
    — Vous le connaissez ?
    — Nous nous sommes rencontrés à Saint-Pétersbourg.
    — Quelles relations entretenez-vous ?
    — Des relations occasionnelles. Par conséquent, ne me demandez pas si je le crois capable d’un meurtre. Pour quelle raison le soupçonnez-vous ?
    — Kostolany achetait des œuvres pour le compte du tsar et les envoyait en Russie par l’intermédiaire de Troubetzkoï, qui aurait encaissé des sommes énormes au passage.
    Le colonel haussa les sourcils.
    — Vous voulez dire que le grand-prince flouait le tsar ?
    Tron acquiesça.
    — Il semblerait que oui. Kostolany aurait même entrepris de rassembler des preuves.
    — Raison pour laquelle Troubetzkoï l’aurait assassiné, déduisit Orlov, et aurait emporté le Titien pour faire croire à un crime crapuleux ?
    — Nous étions en effet partis de cette hypothèse, confirma le commissaire. Seulement, comme je vous l’ai dit, le grand-prince prétend maintenant que le tableau saisi sur son bateau est une copie qu’il aurait achetée à Kostolany il y a deux mois.
    — On dirait que vous n’êtes pas convaincu par cette affirmation, commissaire.
    Tron secoua la tête.
    — J’attends de savoir si le père Terenzio concède avoir peint deux copies. Jusque-là, le grand-prince reste pour moi suspect.
    Le colonel afficha une mine soucieuse.
    — Avez-vous conscience du risque que vous prenez en enquêtant sur un homme de cette importance ?
    — Bien sûr ! dit Tron. Le commandant de place a même ordonné qu’on manie le grand-prince avec des pincettes. Il ne voudrait pas qu’une

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