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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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courant qu’elle voyage incognito ?
    — Oui, il le sait. Il ne demande donc pas à lui être présenté.
    — De toute façon, il est fort probable qu’elle ne restera pas très longtemps, poursuivit-il. Ou du moins qu’elle n’est pas obligée de rester très longtemps.
    Il réfléchit un court instant.
    — Sait-il à quoi elle ressemble ?
    — Je ne sais pas. Il a sans doute déjà vu un portrait.
    — Dans ce cas, nous pourrions…
    Il s’interrompit et s’éclaircit la gorge.
    — Que veux-tu dire, Alvise ?
    — Je me demande, reprit-il, si dans ces conditions, il verrait la différence entre une vraie et une fausse reine. D’autant que la vraie reine séjourne à Venise sous un faux nom. Au fond, cela ne changerait pas grand-chose si nous…
    — … lui présentions une fausse Mme Caserta ?
    — C’est une fausse Mme Caserta ! Il n’existe pas de vraie Mme Caserta. En un sens, ce serait juste falsifier un faux.
    La comtesse releva le menton. Un rond de lumière indirecte balaya son visage pendant qu’elle hochait la tête. Son fils doutait qu’elle eût compris.
    — Je ne veux pas d’un faux, décréta-t-elle pour finir d’une voix glaciale qui excluait toute repartie. Je veux la reine.

34
    Tron avait encore la main sur la poignée qu’il flaira les ennuis. En s’approchant, il constata que le côté droit du bureau de Spaur – là où se trouvait d’habitude la gondole en papier mâché – était à présent recouvert de dossiers. Le cadre en argent contenant le portrait de Mlle Violetta avait été remplacé par un nécessaire de bureau, un socle en marbre rouge avec une rainure pour le porte-plume, un trou pour l’encrier et un autre pour le sable.
    Le commandant avait ouvert devant lui un imposant dossier à côté duquel se trouvait un porte-plume en bois – comme s’il venait de l’utiliser. À cela s’ajoutait le fait qu’il avait fixé une manchette au-dessus de son coude gauche et remplacé sa lavallière d’artiste vert clair par une discrète cravate en velours marron. Il fit signe à Tron de prendre place d’un geste las et résigné, celui d’un homme que la conscience professionnelle avait conduit au bord de l’épuisement.
    — Vous savez qui sort d’ici ?
    Spaur esquissa un sourire acrimonieux et répondit lui-même à sa question : — Toggenburg !
    Le commissaire avait du mal à le croire.
    — Toggenburg !
    Le regard haineux de son supérieur indiquait sans ambiguïté qui était responsable de cette visite à ses yeux.
    — J’ai à peine eu le temps de ranger !
    — Mais que voulait-il ?
    Spaur soupira.
    — Me poser quelques questions. Sur les derniers rebondissements dans l’affaire Kostolany.
    — Un tel intérêt de la part du commandant de place est inhabituel, remarqua Tron.
    — Il a dit la même chose de vos méthodes.
    Spaur ouvrit son tiroir, en sortit un praliné enveloppé dans un papier rose et le déballa.
    — Il s’étonne qu’on attribue un crime à un officier supérieur d’une armée alliée sans la moindre preuve.
    Le commissaire fronça les sourcils.
    — Le colonel Orlov s’est plaint à Toggenburg ?
    — Cela vous surprend ?
    — Il l’avait laissé entendre. Mais je ne l’ai pas pris au sérieux.
    — À ce qu’il paraît, vous l’auriez bien cuisiné hier après-midi.
    — Quelle raison Toggenburg a-t-il de le couvrir ?
    Le commandant de police regarda son subalterne avec l’air de le prendre pour un fou.
    — Je n’en sais rien, commissaire ! Vienne soutient tout ce qui peut affaiblir Turin ou, à l’inverse, unir les forces armées dans le Mezzogiorno. Toggenburg craint sans doute qu’Orlov ne s’adresse à l’état-major à Vérone. Ou que la reine de Naples ne prie sa sœur d’intervenir par télégraphe.
    Le praliné disparut dans sa bouche où l’on entendit un faible craquement lorsqu’il le croqua.
    — Avez-vous conscience de la situation juridique ? demanda-t-il alors.
    — Les officiers d’une armée alliée ne relèvent pas de la compétence de la police civile, dit Tron.
    — Vous auriez donc dû laisser Orlov en paix ! le rabroua son supérieur tout en mâchonnant sa friandise. Vous étiez parvenu à un résultat merveilleux ! Un assassin qui se casse la figure d’un échafaudage ! L’enquête est bouclée, il n’y a pas de procès, tout le monde est content. En plus, on aurait admiré votre efficacité.
    — Mais le père Terenzio était innocent !
    — Ce que votre sergent a démontré grâce à

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