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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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– était une invention de Mlle Violetta. Pas étonnant donc que son informateur n’ait vu personne à l’entrée des artistes du Malibran. Halte, un instant ! Quel informateur ? Il n’était pas obligé de croire lui-même aux mensonges qu’il racontait.
    — Oui, elle est rentrée seule, déclara-t-il avec un sourire apaisant. Mais il ne devrait pas être difficile d’établir de quelle boutique provient le bouquet et qui l’a commandé.
    Pour parfaire son histoire, il jugea habile d’évoquer à nouveau l’homme posté à l’entrée des artistes. Désormais, il le voyait devant lui : un petit homme malingre au visage roué, le mouchard par excellence. Il s’efforça de prendre un ton professionnel et convaincant : — Notre homme s’en occupe déjà.
    Spaur s’empara d’un dossier dans le tas sur sa droite pour signaler que l’entretien était terminé. Puis une dernière idée lui traversa l’esprit : — Au fait, commissaire ?
    La nouvelle, naturellement ! La jeune Polonaise et l’écrivain dans la force de l’âge. Sa mort tragique due au choléra. Tron s’était déjà imaginé en être débarrassé. Il se pencha vers son chef en soupirant : — Oui, baron ?
    À ce moment-là, Spaur ouvrit à nouveau son tiroir et en sortit soudain une gondole en verre pressé avec un sourire amer.
    — Cela vous dit quelque chose, commissaire ?
    — Oui, c’est une de nos gondoles.
    — Je sais lire, répliqua-t-il. Le nom sur la proue ne permet aucun doute. Le commandant de place a eu la bonté d’en mettre une à ma disposition.
    Tron toussota.
    — Nous avons envoyé quelques exemplaires à la Kommandantur, reconnut-il.
    — Quelques exemplaires ? hurla Spaur. Toggenburg m’a dit que vous les aviez inondés ! Cette histoire est assez gênante et humiliante pour nous, commissaire.
    — Humiliante ?
    — Que vous ne jugiez pas utile d’en offrir au commissariat !
    — Si vous le souhaitez, je pourrais…
    Le commandant haussa les sourcils avec impatience.
    — Une centaine ?
    — Volontiers, baron.
    — Le sergent Bossi n’aura qu’à se charger de les distribuer, ordonna-t-il en plissant soudain le front. Au fait, où est-il ? Je ne l’ai pas encore vu aujourd’hui.
    — Il a rendez-vous avec notre informateur.

35
    Bossi était assez clairvoyant pour n’attribuer ses étonnants succès des deux dernières heures ni à son intelligence ni à son intuition. Il avait tout bonnement joui d’une chance phénoménale. Il se garderait bien de l’avouer au commissaire quand il lui ferait le compte rendu de ses activités, mais il en avait tout à fait conscience. C’était un pur hasard que l’ Écu de Salzbourg , un des paquebots de la ligne Ancône-Venise transportant pour l’essentiel des voyageurs en provenance de Rome, ait accosté sur la riva degli Schiavoni ce matin-là et c’était aussi un pur hasard que le commandant du bord se soit en effet rappelé un homme aux épaules larges et au visage anguleux ayant pris le bateau environ deux mois plus tôt.
    Mais c’était un hasard encore plus grand qu’il ait mis moins d’une demi-heure pour trouver le gondolier ayant transporté ce voyageur (par chance un personnage marquant) dans une pension du rio della Sensa. Si cet étranger descendu à la pension Apollo se révélait être celui que Bossi croyait, le colonel Orlov était fichu et l’affaire pratiquement réglée.
    Il était presque midi quand le sergent descendit de la gondole de police. Bien qu’il eût enlevé son casque et ouvert deux boutons de sa veste d’uniforme, la transpiration dégoulinait le long de sa colonne vertébrale et lui chatouillait le dos. Les quais des deux côtés du rio della Sensa étaient déserts. Sous l’effet de la chaleur accablante, les murs semblaient respirer comme des êtres vivants.
    Comme le sergent Bossi, en bon habitant du quartier San Polo, ne s’attendait pas à trouver autre chose que des hôtels borgnes à Cannaregio, il ne fut pas surpris de constater que la pension Apollo était bien un établissement douteux. Il s’agissait d’un bâtiment à deux étages, couvert de tuiles canal ayant perdu leur couleur et pourvu d’une grossière enseigne en bois sur laquelle on pouvait lire en lettres maladroites le mot de pensione .
    Le sergent poussa la porte dont la peinture verte s’écaillait en longues bandes et pénétra dans une salle basse de plafond qui comprenait une demi-douzaine de tables. Un panneau accroché au-dessus du comptoir

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