Grands Zhéros de L'Histoire de France
dans le classement 2005 des cent plus grands Français – à la 80 e place, entre Raimu et Poulidor ! –, il a cependant été cité comme zhéro pour avoir échoué dans sa tentative de bouter les Romains hors de Gaule. Puisqu’il a été mis sur la sellette, nous allons l’évoquer brièvement, mais disons-le dès à présent, nous considérons que le chef gaulois n’a pas sa place dans notre palmarès.
En effet, tout ce que nous connaissons de lui nous a été transmis par des auteurs romains, comme Strabon et Plutarque, mais aussi et surtout par César dans La Guerre des Gaules , récit de propagande destiné à servir la gloire de son auteur auprès du Sénat. En aucun cas César ne pouvait donner l’impression qu’il avait passé des années à crapahuter dans les plaines gauloises avec ses légions pour y combattre contre des nuls ! Pour se valoriser, il lui fallait valoriser ses ennemis. C’est pourquoi Vercingétorix devait forcément apparaître comme le plus intelligent et le plus intrépide des chefs gaulois. D’ailleurs, racontant sa reddition à Alésia, César lui fait dire : « Toi le plus valeureux des hommes, tu as vaincu un valeureux ! » On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ! Cela étant, même si César a embelli la réalité, c’est indéniablement avec Vercingétorix que la Gaule se dota pour la première fois d’un chef unique qui tenta de la faire échapper à son destin de satellite romain. De plus, le nom même de Vercingétorix signifie « le très grand roi des guerriers », ce qui indique que, manipulation de César ou pas, son propre camp le tenait en haute considération. Malheureusement, le vainqueur de Gergovie est mort bien trop jeune, âgé d’à peine plus de trente ans vers – 46 pour avoir pu donner toute la mesure de son talent ou de sa médiocrité. Nous exclurons donc Vercingétorix de notre palmarès de zhéros pour fiabilité insuffisante des informations le concernant.
Après lui, les premiers zhéros évoqués par mes interlocuteurs furent, chronologiquement, le roi Dagobert et les fameux « rois fainéants » dont chacun de nous a entendu parler dans sa jeunesse mais ignore à peu près tout. Et pour cause, les souverains rassemblés sous ce qualificatif peu flatteur forment une cohorte informe de bons à rien mérovingiens dont la mémoire populaire a retenu qu’ils passaient leurs journées vautrés dans des chars à bœufs, tandis que d’énigmatiques « maires du palais », considérés comme les plus hauts dignitaires après les rois, exerçaient le pouvoir à leur place. À quelques exceptions près, les rois mérovingiens « sont des brutes ou des incapables, des sadiques ou des débauchés », confirme l’historien Marcel Brion dans son livre De César à Charlemagne .
Dans le chaos dantesque où se prélassèrent ces ectoplasmes, non seulement les zhéros se ramassaient à la pelle, mais il n’y avait pour ainsi dire que cela ! Clovis II, Sigebert III, Dagobert II, Childéric II, Thierry III, Childebert III, Clovis III, Dagobert III, Chilpéric II, Clotaire IV, Thierry IV… J’en passe et des pires, dans une liste de ratés dont l’énumération, pour exaltante qu’elle soit, finirait presque par donner le tournis. Qui furent-ils ? Que firent-ils ? Rien ! N’est-ce pas là précisément la définition même du zéro ? Certes le propagandiste Éginhard a largement contribué à entretenir la mauvaise réputation de ces rois fainéants pour légitimer l’éviction de leur dynastie et son remplacement par la dynastie suivante des Carolingiens. Mais oser prétendre, ainsi qu’il le fait avec aplomb, que toutes ces chiffes molles passaient leur vie à somnoler dans des chariots est assez injuste quand on considère le temps et l’énergie qu’ils consacrèrent également à assassiner les membres de leur famille.
Toujours selon Marcel Brion, leur siècle fut « une interminable suite d’atrocités, exécutées souvent avec des raffinements de perversité et de cruauté abominables ». À cette époque, il est rarissime qu’un prince meure de sa belle mort dans son lit et « ceux qui ne sont pas assassinés se suicident parfois pour échapper aux tortures dont ils sont menacés ».
Dans cette longue liste de souverains médiocres et cruels, l’écrivain Patrick Rambaud, que je questionnai sur l’identité de nos zhéros, me suggéra de chercher à en savoir plus sur les maris de Frédégonde et Brunehaut. «
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