Grands Zhéros de L'Histoire de France
dehors des biographies des plus connus d’entre eux et de récits de bataille il n’existait pas d’ouvrage recensant les grands échecs de notre histoire et de nos grands nuls ! On me rétorquera qu’il existe bien des livres comme Victoires, conquêtes, désastres, revers et autres guerres civiles des français de 1792 à 1815 , publié sous la Restauration par un collectif anonyme de soldats et de gens de lettres. Ou encore des ouvrages tels que Sedan, les organisateurs de la défaite . Certes, mais ces livres concernent à chaque fois des périodes trop ciblées de notre histoire et aucun d’entre eux ne constitue une analyse de nos revers et de nos nuls, de Vercingétorix à nos jours. Dans l’un des tomes de sa Grande Encyclopédie du dérisoire , Bruno Léandri esquisse bien une typologie des nuls, mais il ne fait malheureusement qu’effleurer le sujet.
En la matière, nos meilleurs ennemis, les Anglais, ont à l’évidence bien davantage d’esprit critique et d’humour que nous. Non seulement leurs bibliothèques offrent à la curiosité des lecteurs les Gaffeurs de l’histoire , ouvrage dont je n’ai pu trouver aucun équivalent en France, mais ce thème générique des « Gaffeurs » a remporté outre-Manche un tel succès qu’il a été décliné en différents opus respectivement intitulés : « Gaffeurs sur terre », « Gaffeurs sur mer », « Gaffeurs royaux » (1) . On le constate avec envie, chez les historiens britanniques, la nullité de leur classe politique et celle de leur armée sont d’intarissables sources d’inspiration. L’Histoire totalement impartiale de la Grande-Bretagne ou 2 000 ans de classe dirigeante incompétente (2) et Méfaits militaires : corruption, incompétence, convoitise et imbécillité totale des forces armées (3) font encore partie des livres les plus vendus sur Internet, alors qu’ils ont été publiés il y a deux ans !
La télévision anglaise n’est pas en reste. La BBC a en effet produit une série d’émissions intitulées Les Grands Ratés du XX e siècle , portant cette fois non sur des individus mais sur des événements. Cette même chaîne ayant également réalisé 100 Greatest Britons , un palmarès des cent plus grands Britanniques de l’histoire, sa concurrente, Channel Four, en réaction à cet excès d’autosatisfaction, produisit aussitôt le hit-parade des cent Britanniques les plus mauvais et les plus détestés : 100 Worst Britons we love to hat e. Curieusement, sept sélectionnés du classement des cent meilleurs sur la BBC se retrouvèrent aussi dans le classement des cent plus mauvais sur Channel Four ! Comme quoi, nul n’est prophète en son pays !
Enfin, rappelons pour l’anecdote que l’adaptation française de l’émission des 100 personnalités les plus aimées, diffusée en 2005, plaçait en tête le général de Gaulle suivi de Louis Pasteur, de l’abbé Pierre, de Marie Curie et Coluche, de Victor Hugo, Bourvil, Molière, Jacques Cousteau et Édith Piaf. Conséquence logique de notre incapacité à assumer nos ratages, aucune chaîne française, depuis la diffusion de ce palmarès, n’a pris l’initiative de copier Channel Four en consacrant une émission aux « Cent Français les plus mauvais ».
Finalement, à force de recherches laborieuses, j’entrevis une lueur d’espoir. En feuilletant un vieux numéro d’ Historia , je trouvai une référence à un certain Livre des bides publié aux éditions du Cygne en 1982. Historia en reprenait l’anecdote suivante : la guerre de 1914-1918 étant sur le point de prendre fin, un certain Henri Deledicq (1897-1985), attaché au quartier général français, fut affecté le 7 novembre 1918 au fameux wagon de Rethondes, où devait être signé l’armistice. Le récit se poursuit ainsi : « Sous la dictée du maréchal Foch, il tapa fébrilement les mots historiques qui signifiaient la paix dans le monde. Mais il avait, dans son émoi bien compréhensible, placé les carbones à l’envers, si bien que tous les doubles s’avérèrent illisibles, sauf à l’aide d’un miroir […]. Dix minutes plus tard, original et doubles étaient signés par les grands chefs de guerre dont aucun ne prit la peine de relire le document […]. Le maréchal Foch s’aperçut beaucoup plus tard que la guerre s’était achevée en volapük. »
En cherchant à en savoir plus sur Deledicq, j’appris que ce grand émotif devint après la guerre négociant en vins à
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