Grands Zhéros de L'Histoire de France
un juge qui les condamne à une forte amende dont nul ne sait comment Léon parvint à la payer.
En février 1840, à Londres, Louis Napoléon, le futur Napoléon III, avait donc refusé de recevoir Léon. Quelques mois plus tard, lui-même allait connaître un grand moment de zhéroïsme, au cours de sa catastrophique tentative de « débarquement » en France, censée s’achever par la prise du pouvoir. Victor Hugo prend un malin plaisir à faire état de cet épisode dans Napoléon le Petit . Le 6 août 1840, jour de son arrivée en France en provenance d’Angleterre, Louis Napoléon embarqua dans ses bagages un chapeau identique à celui que portait son oncle, Napoléon I er , ainsi qu’un aigle dans une cage. Il accrocha un morceau de lard sur son chapeau, afin que l’aigle, attiré par le fumet du lard, vienne s’y poser, montrant par là aux spectateurs médusés que ce noble animal symbolisant l’Empire avait reconnu son maître, dès que celui-ci avait posé le pied sur le sol français. Cette piteuse équipée s’acheva au fort de Ham pour Louis Napoléon. Notons au passage que nos zhéros ont tendance à fréquenter les mêmes établissements pénitentiaires : Chaumareys précéda Louis Napoléon au fort de Ham, tandis que Jean-Baptiste Suard fut incarcéré à Sainte-Marguerite, tout comme Bazaine ! Louis Napoléon passera six longues années au fort de Ham et s’en évadera en empruntant les vêtements et les papiers d’un maçon. Il se réfugiera en Angleterre. Avec le coup du morceau de lard, il s’était montré digne de son grand guignol de cousin, mais lui au moins se ferait connaître sous un jour plus honorable en d’autres occasions !
Après son duel manqué à Wimbledon en février 1840, nous retrouvons Léon le 14 décembre suivant, attendant sur un quai de Seine à Courbevoie, l’arrivée de la barge cénotaphe (la Dorade , que nos lecteurs connaissent déjà) transportant les restes de son père. Une fois encore, comme simple bâtard de l’Empereur et personnalité peu reluisante, Léon doit se fendre d’une lettre au roi Louis-Philippe pour obtenir une place dans le cortège du retour des cendres de son papa, événement très couru dont il est à la fois l’un des participants les plus « naturels », c’est le cas de le dire, mais aussi les moins désirés. Dans ces années-là, il est tellement « fauché » qu’il pose pour des peintres souhaitant réaliser des portraits de son père et en est réduit à intenter à sa propre mère un procès dont il tire quelques sous. En mal comme en bien, il doit encore tout à ses parents !
En 1848, apprenant que son « petit cousin » brigue la présidence de la République française, Léon est absolument furieux, car il estime que cette dignité lui revient en priorité. Il envisage donc de se présenter lui-même à la magistrature suprême, mais y renonce finalement et fait à ses futurs ex-électeurs des déclarations grandiloquentes sur son refus de diviser, par sa candidature, les chances de sa famille. En réalité, on se demande bien s’il se serait trouvé à ce moment-là un seul électeur assez inconscient pour faire porter son suffrage sur cette tête folle de Léon ? Bien évidemment, dès que Louis Napoléon est élu, Léon demande à venir le voir. Mais jamais son cousin ne recevra « cet hurluberlu sans convictions, sans principes, sans moralité d’aucune sorte ».
Quand Louis Napoléon rétablit l’Empire quatre ans plus tard, Léon se fait un devoir de chanter les louanges de ce « petit cousin » qu’il était fermement décidé à envoyer ad patres douze ans auparavant. Il devine à juste titre qu’être l’oncle du nouvel empereur le rendra plus crédible auprès de ses créanciers présents et à venir. Les Napoléon III, II, I sont bien à la mode, pourquoi pas Napoléon 0 ? N’est-ce pas le moment ou jamais ? Léon va en effet profiter à plein du rétablissement de l’Empire, puisque cela va lui permettre de toucher l’importante somme de trois cent mille francs que son « petit cousin » lui fait verser afin de respecter les dispositions testamentaires de Napoléon I er , ainsi qu’une rente de six mille francs. Voilà qui permet à Léon de s’installer dans une belle demeuré à Saint-Denis.
Puisque les temps sont favorables aux bonapartistes, Léon, qui rêve toujours de faire parler de lui, de « retentir », prend sa plus belle plume et écrit au pape pour lui demander de
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