Hamilcar, Le lion des sables
Conseil des Cent Quatre qui te le demande.
Bomilcar
raconta à Baalyathon les circonstances de sa rencontre avec Hamilcar. Il quitta
le Sénat, apaisé, sans prendre garde aux deux hommes qui le suivaient et qui
l’assaillirent au coin d’une ruelle sombre. Leur forfait accompli, ils jetèrent
le cadavre de l’officier dans les eaux du port marchand et avertirent
Baalyathon qu’il était le seul désormais à détenir un lourd secret.
Un mois
après la disparition de Bomilcar, les trompettes retentirent dans Carthage.
Accompagnée par une foule innombrable, l’armée quitta la ville par la porte de
Mégara. Hamilcar chevauchait en tête avec, à ses côtés, Nahrawas et Hannon. Ce
dernier l’avait supplié de lui permettre de trouver une mort glorieuse au
combat afin d’effacer ses erreurs d’antan et le fils d’Adonibaal n’avait pas
voulu lui refuser cette revanche sur le sort.
Comme
Hamilcar l’avait prévu, les mercenaires ne tardèrent pas à lever leur camp et à
le poursuivre. Plusieurs fois, il fit mine d’engager le combat avant de
s’esquiver. Quand il eut le sentiment que ses adversaires commençaient à
ressentir les premiers effets de la fatigue due à leurs longues marches
forcées, il rangea son armée en ordre de bataille, près de l’embouchure du
fleuve Macaras. Au large, des navires l’attendaient et à son signal
s’approchèrent du rivage pour débarquer des troupes fraîches et plus de deux
cents éléphants. Matho et les siens comprirent que l’heure de leur fin était
venue. Ils se battirent courageusement pendant deux jours et deux nuits. Au
matin du troisième jour, seule une poignée d’hommes résistait encore aux côtés
du chef numide mais tombèrent sous les lances des Carthaginois, à l’exception
de Matho, pour la prise duquel Hamilcar avait offert une forte récompense.
Quand on conduisit le chef rebelle devant le fils d’Adonibaal, les deux hommes
se toisèrent longuement. Chargé de chaînes, Matho n’avait rien perdu de sa
fierté et ne baissa pas les yeux comme le lui ordonnaient ses gardes. Il se
préparait déjà à subir le cruel châtiment que Carthage ne manquerait pas de lui
infliger, la mort !
Hamilcar,
lui, n’eut guère le temps de savourer sa victoire. Car de nouvelles menaces
planaient sur sa cité. Les Romains, qui s’étaient montrés de fidèles alliés
durant la guerre contre les mercenaires, ne tardèrent pas à rappeler aux
Carthaginois qu’ils étaient les seuls maîtres de la grande mer. Leurs
ambassadeurs vinrent à Carthage signifier que le traité signé jadis et qui
avait ôté à la cité d’Elissa la Sicile devait être modifié. Le Conseil des Cent
Quatre devait renoncer à rétablir ses garnisons en Sardaigne et en Corse, deux
îles désormais alliées des Romains. De surcroît, la cité d’Elissa devrait payer
une indemnité supplémentaire de 1200 talents, faute de quoi les légions
débarqueraient dans la région du Beau Promontoire. N’ayant pas les moyens de
s’opposer à de telles exigences, le Sénat signa un nouveau traité, se gardant
bien d’en informer immédiatement Hamilcar. Celui-ci en apprit l’existence
lorsqu’une délégation du Conseil des Cent Quatre vint lui décerner le titre,
jusque-là inconnu, de « stratège » pour le récompenser de ses bons et
loyaux services. Fou de rage en raison de leur lâcheté face aux Romains, il
leur annonça qu’il se démettait de toutes ses fonctions, entendant se consacrer
désormais à l’éducation de ses fils. À vrai dire, les sénateurs ne cherchèrent
pas à le faire revenir sur sa décision. Ils étaient repartis, emmenant avec eux
Matho qui, quelques jours plus tard, fut livré à la foule. Frappé de toutes
parts, ruisselant de sang, le chef des mercenaires expira au milieu du maqom et
son cadavre fut jeté aux bêtes sauvages.
Chapitre 12
Après la
cruelle mise à mort de Matho, Carthage avait célébré fastueusement sa victoire
sur les mercenaires plusieurs jours et plusieurs nuits d’affilée. Les marchands
et les sénateurs, pourtant avares de leur argent, avaient offert aux citoyens
des vivres et du vin à profusion comme s’ils entendaient de la sorte
s’approprier le bénéfice de la paix enfin revenue. A les en croire, c’était à
eux et non à Hamilcar que revenait le mérite de la victoire. Le petit peuple
terriblement éprouvé par les privations n’avait cure de ces considérations. Ce
qui comptait pour lui, c’était que la
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