Hamilcar, Le lion des sables
rencontrerons des vents
favorables. Je pourrai alors donner l’ordre de hisser la voile et nous
cinglerons vers les côtes de la Sicile. Les dieux en décideront pour nous.
Hamilcar
quitta la tour de commandement pour se promener sur le pont. Les cent vingt
soldats embarqués à bord de la quinquérème s’étaient installés tant bien que
mal au milieu des cordages et des jarres. Les uns fourbissaient leurs armes,
les autres devisaient joyeusement ou narraient leurs exploits passés. De temps
à autre, ils interpellaient un matelot et se querellaient joyeusement avec lui.
Qui avait le plus de mérites ? Un fantassin ou un marin ? C’était là
une joute verbale qui devait se répéter à chaque expédition car les protagonistes
dévidaient leurs arguments sans grande conviction.
Lorsque la
nuit tomba, Abdmelqart fit allumer quelques torchères et braseros. Perché sur
le rebord du navire, Hamilcar tentait de distinguer ce qui l’entourait. Il n’y
parvint pas et cela le remplit d’admiration pour le pilote et les deux hommes
qui manœuvraient les deux gouvernails. Eux semblaient être à l’aise au plus
profond de l’obscurité et n’avaient pas de mal à trouver leur route.
Insensiblement, l’air se rafraîchit. Une légère brise commença de souffler et se
fit bientôt plus forte. Du haut de la tour, un ordre sec tomba : hissez la
voile ! Celle-ci, rouge et blanche, se déploya cependant que les avirons
des rameurs se relevaient et étaient partiellement tirés à l’intérieur de la
cale. Hamilcar ne put s’empêcher de penser au soulagement éprouvé par les
rameurs, épuisés par l’effort qu’ils avaient dû fournir depuis le départ du
port. Il les imaginait prenant un bref repas puis s’endormant la tête posée sur
leurs rames, priant pour que le vent ne cesse pas.
Abdmelqart
ne s’était pas trompé. Il connaissait bien la grande mer, ses courants et ses
vents. Il avait choisi la bonne route et maintint le cap au nord. Après une
semaine de navigation, la quinquérème arriva à la hauteur des côtes siciliennes
et, dépassant la cité alliée de Syracuse, se dirigea vers l’extrémité de l’île.
Deux jours plus tard, elle était en vue de Messine où elle accosta. Comparée à
Carthage, la ville ressemblait à un village. Sur un escarpement se dressait la
citadelle où flottaient les étendards et les fanions de la cité d’Elissa.
Hamilcar
remarqua sur le quai un détachement de soldats conduits par un officier auquel
il se présenta :
— Je
suis Hamilcar Barca et j’ai un message du Conseil des Cent Quatre à remettre à
l’amiral Hannon.
— Suis-moi.
Je vais te mener jusqu’à lui.
— Un
seul de tes hommes suffira. Tu as peut-être à faire.
— Il
est préférable pour toi d’avoir une escorte. La ville n’est pas sûre.
— Je
croyais que les Mamertins étaient nos alliés.
— Une
partie d’entre eux, oui. Mais la présence des Romains à Rhêgion a fait
réfléchir certains. Ils ont excité la population contre nous et quelques-unes
de nos patrouilles ont été attaquées. Voilà pourquoi je préfère que tu acceptes
mon escorte.
La
précaution n’était pas inutile et Hamilcar put le vérifier. Dans les rues
qu’ils traversèrent, la présence des Carthaginois provoquait des mouvements de
protestation spontanée. La foule grondait et crachait parfois au passage des
soldats. Certains commerçants fermaient précipitamment leurs échoppes, d’autres
tournaient le dos ostensiblement. Quelques trognons de fruits furent lancés par
des gamins hilares qui, une fois leur forfait accompli, détalaient à grandes
enjambées. C’est donc avec soulagement que l’officier et ses hommes pénétrèrent
dans la forteresse soigneusement gardée et à laquelle on accédait par un
sentier escarpé.
À sa
demande, Hamilcar fut immédiatement conduit auprès de Hannon qu’il trouva
occupé à festoyer avec plusieurs dignitaires de la cité.
— Salut
à toi, Hannon. J’ai pour mission de te remettre un message du Conseil des Cent
Quatre.
— Bienvenue
à toi, Hamilcar. On m’avait prévenu de ton arrivée. Voyons donc les
instructions que m’envoie Carthage.
— Hannon,
je dois te les remettre en mains propres et à toi seul.
— La
présence de mes amis te gêne ? Tu as tort. Ce sont nos partisans les plus
fidèles parmi les Mamertins, ceux-là mêmes qui ont sollicité notre venue. Nous
pouvons parler sans crainte devant eux. Ils savent que
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