Hannibal, Sous les remparts de Rome
à son encontre. Non seulement Pomponia
s’acquitta brillamment de sa tâche mais elle obtint que les Pères conscrits
nomment, pour élucider l’affaire, l’un de ses parents, Marcus Pomponius Matho.
Ce dernier dédommagea généreusement les Locriens et pratiqua la décimation des
contingents soupçonnés d’avoir commis l’horrible forfait. Il rassembla les
hommes sur une vaste esplanade et parcourut leurs rangs, désignant, par groupes
de dix, une victime. Deux cents légionnaires furent ainsi sélectionnés et
décapités sous les yeux horrifiés de leurs camarades.
Débarrassé
de cette maudite affaire, Publius Cornélius Scipion put se consacrer, durant
toute l’année de son consulat, aux préparatifs de l’expédition en Afrique. Il
s’était installé dans la vieille forteresse de Lilybée et avait pris le
commandement des deux légions exilées dans l’île depuis une dizaine d’années.
Elles étaient formées pour l’essentiel de vétérans ayant combattu à la Trébie
et à Cannae et qui brûlaient de prendre leur revanche sur les Carthaginois. Il
avait reçu en outre sept mille hommes recrutés en Ombrie, dans la Sabine, chez
les Marses et les Péligniens.
Les trente
navires de la flotte de Laelius avaient été mis à sa disposition mais étaient
insuffisants pour transporter de l’autre côté de la grande mer un corps
expéditionnaire. Durant la bonne saison, le généralissime employa ses hommes à
abattre des arbres dans les forêts surplombant Panormos et les arsenaux de
cette cité reçurent l’ordre de construire vingt quinquérèmes et dix trirèmes
ainsi que plusieurs centaines de navires de charge, équipés de vastes
plates-formes, dans les délais les plus rapides. Des centaines d’ouvriers et
d’esclaves travaillèrent sans relâche, jour et nuit, à la lumière du soleil
comme à la lueur des torches, pour s’acquitter de cette mission. Quand les
bateaux furent prêts, Scipion constata qu’ils ne pouvaient prendre la mer car
le bois était encore trop vert. Il fit allumer, à bonne distance, d’immenses bûchers
qui brûlèrent tout l’hiver et permirent d’assécher la coque et la charpente des
quinquérèmes et des trirèmes. Dans son camp régnait une perpétuelle agitation
et celle-ci gagna vite le reste de l’Italie.
Les alliés
de Rome rivalisèrent d’émulation pour fournir à ses légions le matériel dont
elles avaient besoin. Des chantiers de Populania, de Tarquinies et de Volterra
en Étrurie, vinrent l’outillage de fer, les charpentes, les voiles et les
cordages des navires cependant qu’Arretium se distinguait par ses libéralités
en envoyant d’énormes quantités de haches, de bêches, de faucilles et de
paniers d’osier ainsi que de petites meules à grain que les soldats
utiliseraient pour moudre le blé qui leur était fourni pour leur nourriture.
Lorsque
les deux nouveaux consuls, Marcus Cornélius Céthégus et Publius Sempronius
Tuditanus, prirent leurs fonctions, ils trouvèrent l’armée prête au départ et
le Sénat prorogea le commandement de Scipion en lui accordant le proconsulat.
C’est alors qu’une trirème numide accosta dans le port de Lilybée. À son bord
se trouvaient un envoyé de Syphax et son interprète, un nommé Héraklès, qui
demandèrent à être reçus le plus rapidement possible par Publius Cornélius
Scipion. Pressentant que Syphax s’apprêtait à lui jouer un mauvais tour et
désireux que l’affaire ne s’ébruitât pas, il fit interdire aux délégués de
débarquer, sous le prétexte qu’une épidémie de fièvre maligne ravageait la
cité. Il ne voulait pas, dit-il, mettre leurs vies en danger et leur fixa
rendez-vous à quelques dizaines de stades de Lilybée, dans une baie isolée.
Escorté par un fort contingent de cavaliers, Scipion se rendit dans cet endroit
et monta, seul, à bord du navire pour prendre connaissance du message que le
souverain masaesyle avait rédigé dans les termes dictés par Hasdrubal, fils de
Giscon. Au fur et à mesure de la lecture, le visage du proconsul se
décomposait. Bientôt, son courroux se déchaîna :
— Sachez,
dit-il à Héraklès et à son compagnon, que mes propos ne vous concernent pas
personnellement. Vous avez rang d’ambassadeur et je veillerai à ce que vous
puissiez regagner librement Siga. D’autres que moi vous auraient infligé les
pires supplices mais je ne vous tiens pas pour responsables de la fourberie de
Syphax. Pour l’amour d’une
Weitere Kostenlose Bücher