Hannibal, Sous les remparts de Rome
saurais lui donner tort sur ce point. Toutefois, ne m’as-tu pas confié
qu’elle avait une prédilection pour les personnes plus âgées qu’elle ?
— C’est
vrai. Songerais-tu à l’un de tes neveux ou de tes fils ? Ils ont tous
dépassé la trentaine, m’a-t-on raconté.
— J’ai
peine à le croire car ce sont des gamins écervelés qui se conduisent comme
s’ils étaient encore sous la surveillance de leur précepteur. Non, une autre
idée m’était venue mais elle est si folle que je n’ose même pas t’en parler.
— Je
suis ton ami et tu me peux confier ton secret sans crainte de me choquer.
— Crois-tu
qu’elle accepterait de devenir ma femme ? Je puis t’assurer qu’elle ne
trouvera pas mari plus attentionné que moi. Voilà, je t’ai dit ce que j’avais
sur le cœur et je ne te demande pas de réponse immédiate. Tu passes pour ne pas
aimer notre peuple et je crois qu’il te répugnerait de m’avoir pour gendre.
— Syphax,
j’ai beaucoup d’ennemis, à commencer par les Barca qui ont toujours protégé ton
rival Gaïa et ses fils, Juba et Masinissa. Ils ont répandu sur mon compte et
sur celui de mon ami, Hannon le grand, bien des calomnies dénuées de tout
fondement. Ils nous ont décrits comme des ennemis des Numides, partisans de
réduire ceux-ci en esclavage. C’est faux, archi-faux. Crois-tu qu’un ennemi des
Masaesyles aurait laissé sa fille se passionner pour votre histoire et pour vos
légendes ? Tu m’as parlé franchement et je te répondrai sans détour :
je ne ferai pas obstacle à ton union avec Sophonisbé si celle-ci y consent.
— Tu
fais de moi le plus heureux des hommes car je devine qu’elle se pliera à ta
volonté.
— J’y
mets toutefois une condition.
— J’y
souscris d’avance.
— Je
n’en suis pas certain car il s’agit d’une question politique.
— Je
t’écoute.
— Tu
es un souverain habile et rusé, prêt à tout pour conserver et agrandir tes
domaines. Des années durant, tu as été notre allié fidèle et tes cavaliers nous
ont plusieurs fois épargné la défaite sur le champ de bataille. Lorsque le sort
des armes nous a été contraire, tu t’es rapproché des Romains. Ne proteste pas,
tu as fait ce que te dictait ta conscience et, à ta place, je n’aurais pas agi
autrement. Lors de notre dernière rencontre à Siga, tu as conclu un traité
secret d’amitié avec Rome et Publius Cornélius Scipion, lorsqu’il débarquera en
Afrique, te demandera de venir le rejoindre avec tes troupes.
Jusqu’à
maintenant, tu étais libre de tes gestes, tu ne l’es plus désormais si
Sophonisbé devient ton épouse et si ton beau-père n’est autre qu’Hasdrubal,
fils de Giscon. Je ne pourrais supporter qu’un membre de ma propre famille
porte les armes contre ma ville. Aussi, la condition que je mets à ton union
avec mon unique enfant est que tu dénonces le pacte que tu as passé avec la
cité de Romulus.
— Je
te promets de le faire.
— Cette
fois-ci, je ne puis me contenter de bonnes paroles de ta part. Tu devras
envoyer un émissaire à Scipion qui se trouve actuellement en Sicile et celui-ci
sera accompagné par Héraklès, l’un de mes conseillers. C’est un Grec et,
officiellement, il te servira d’interprète. Ton ambassadeur sera porteur d’un
message ainsi rédigé : « Noble Romain, je ne désire rien d’autre que
de vivre en paix avec ta cité. Tu peux être assuré que jamais je n’enverrai mes
troupes fouler le sol de ta patrie pour y porter la ruine et la désolation.
J’attends de toi que tu te comportes de la même façon. Sache donc que, si tu
débarques sur nos côtes et si tu t’approches de Carthage, je me verrai dans
l’obligation de me battre pour l’Afrique où je suis né et pour la patrie du
père de ma future femme. » Quand ton ambassadeur se sera acquitté de cette
mission dont Héraklès me rendra compte, nous célébrerons ton mariage et je puis
te promettre que l’on parlera pendant longtemps de cette fête somptueuse.
Chapitre 7
À Rome, les
esprits étaient inquiets de la multiplication de prodiges tous plus étonnants
les uns que les autres. Une ânesse avait donné naissance à un ânon doté de deux
têtes. Un peu partout en Italie, l’on signalait des pluies de pierres dont
certaines avaient la taille d’un poing. Pour couper court aux rumeurs, le Grand
Pontife Publius Licinius Crassus décida de consulter l’oracle de Delphes auquel
Publius
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