Hannibal, Sous les remparts de Rome
ferai savoir mes intentions à
ton sujet. Pour le moment, un palais sera mis à ta disposition à Éphèse et je
te convoquerai chaque fois que j’aurai besoin de tes conseils. Prends encore un
peu de repos car de grandes tâches t’attendent.
— Je
te remercie de ta générosité et il me tarde de te prouver ma reconnaissance.
Sitôt
l’audience terminée, Antiochos s’enferma avec l’un de ses principaux
conseillers, l’Étolien Thoas, pour lui raconter l’entrevue et solliciter son
avis. L’homme, retors et fin politique, jaugea rapidement la situation et
confia au Séleucide :
— Majesté,
tu peux t’estimer heureux d’avoir attiré auprès de toi un homme de cette
valeur. Rome, désormais, y réfléchira à deux reprises avant de te faire la
guerre car elle n’a pas oublié les coups terribles qu’il lui porta jadis. Tu
disposes d’une pièce maîtresse dans ton jeu et fais en sorte de la conserver.
— Je
perçois dans tes propos comme une certaine réticence. Tu me décris les
avantages de sa présence à ma Cour mais tu dois en supputer les inconvénients.
— Ceux-ci
existent. L’un est à écarter d’emblée. Tant qu’il sera ton hôte, le Punique ne
cherchera pas à te trahir ou à intriguer contre toi. C’est un soldat loyal et
intègre qui n’a jamais voulu nuire à ses alliés. Mais c’est un personnage d’une
telle envergure qu’il est difficile de lui accorder un poste en rapport avec
ses compétences sans le mécontenter ou mécontenter autrui. En faire un simple
conseiller froissera son orgueil. Le nommer à la tête de tes armées irritera
tes généraux, furieux de voir ce privilège accordé à un étranger. Ils
surestiment leurs propres capacités et nombre d’entre eux, je le sais, se
croient supérieurs à Hannibal parce qu’ils n’ont pas encore connu l’amertume de
la défaite.
— Je
n’aurai qu’à parler et ils s’inclineront devant mon autorité. Sinon, je les
broierai en jouant sur les rivalités qui les opposent. Ce sont des animaux
féroces prêts à s’entre-dévorer et aucun n’a le génie du fils d’Hamilcar. Ce
dernier peut très bien faire fonction de généralissime. Son passé parle pour
lui.
— À
ceci près qu’Hannibal a toujours été son propre maître et n’a jamais eu de
comptes à rendre à quiconque. Il a vécu loin de Carthage durant la plus grande
partie de sa vie et le Sénat de cette ville apprenait par la rumeur publique
les décisions qu’il avait prises et les exploits qu’il avait accomplis. Jamais
il ne consultait le Conseil des Cent Quatre, estimant que c’était une perte de
temps. Il tient avant tout à son indépendance et n’a pas l’habitude de recevoir
des ordres. Il se conduira avec toi comme il a agi avec les magistrats de sa
cité. Pour ton bien, certes, mais tu ne pourras t’empêcher d’en concevoir une
légitime irritation. Aussi, ne te hâte point. Tu occupes la Thrace et tu vas
marier ta fille Cléopâtre au pharaon Ptolémée IV Épiphane. Tu es désormais le
maître de l’Orient.
— Je
le suis presque car des cités grecques d’Asie, en particulier Lampsaque et
Smyrne, conseillées par ce maudit Eumène de Pergame, refusent toujours de me
faire allégeance. J’ai bien essayé de circonvenir Eumène en lui offrant pour
épouse une autre de mes enfants mais il a dédaigné cette proposition. Il se croit
protégé par Rome qui lui a promis son appui militaire et financier.
— Tout
est pour le mieux, fit Thoas. Entre Eumène et toi, la cité de Romulus saura
bien vite discerner qui pèse le plus. Il te suffit d’envoyer une ambassade sur
les bords du Tibre pour proposer au Sénat un partage du monde entre lui et toi.
Qu’ils gardent l’Occident et qu’ils te laissent l’Orient ! Crois-moi, si
tu leur abandonnes la Grèce, ils se soucieront bien peu de Pergame.
— Tu
as raison. Il en sera fait ainsi. Que deux plénipotentiaires partent pour Rome
sonder ses intention !
L’ambassade
partit au début de l’hiver et arriva au printemps à destination. Le Sénat
confia à Titus Quinctius Flaminus le soin de mener les pourparlers avec les
deux émissaires dont les propositions, dévoilées petit à petit, éveillèrent
l’attention de leur interlocuteur. Celui-ci rêvait de supplanter les Scipions
et leur clique et de devenir le maître de l’Urbs. Aussi le vainqueur de
Philippe de Macédoine, après avoir longuement rappelé qu’il avait été le
restaurateur des libertés
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