Hannibal, Sous les remparts de Rome
grecques, finit par laisser entendre qu’un accord
était possible. Rome était prête à se désintéresser des Grecs d’Asie à une
condition : Antiochos devait renoncer à toutes ses possessions de l’autre
côté de l’Hellespont, c’est-à-dire la Thrace qu’il tenait de son grand-père
Seleucos I er . Les ambassadeurs, ravis d’avoir piégé leur hôte,
n’opposèrent pas à cette demande un non catégorique. Ils se contentèrent de
faire savoir qu’ils ne disposaient pas des pouvoirs nécessaires pour accéder à
une telle requête mais que celle-ci ne leur paraissait pas exorbitante. C’était
toutefois à Antiochos et à Antiochos seul que revenait le droit d’aliéner son
patrimoine personnel, moyennant de substantielles compensations financières.
Pour cela, il suffisait au Sénat romain d’envoyer à son tour à Ephèse une
ambassade de très haut rang pour discuter de la question et mettre au point les
détails de l’accord. On convint donc que, le printemps suivant, une délégation
serait reçue par le monarque séleucide à sa cour.
Au Sénat,
d’âpres débats eurent lieu à ce sujet et T. Quinctius Flaminus triompha
aisément de l’opposition des Scipions. Trois anciens consuls, Publius Sulpicius
Galba, Publius Villius Tappulus et Sextus Aelius Paetus, reçurent l’ordre de se
rendre à Ephèse non sans, au préalable, avoir fait une halte à Pergame pour
discuter avec Eumène. Celui-ci, conscient que l’avenir de sa dynastie dépendait
de l’échec des négociations, prêcha la fermeté à ses interlocuteurs, dénonçant
même la présence d’Hannibal auprès d’Antiochos. A l'en croire, ce dernier
n’avait qu’un seul but : gagner du temps. Quand il aurait obtenu de Rome
la signature du traité et soumis à son joug les cités grecques d’Asie, il se
tiendrait tranquille tout au plus pendant deux ans, puis violerait ses
engagements en reprenant la Thrace et en menaçant la Grèce afin d’obtenir de
nouvelles concessions.
L’ambassade
quitta Pergame pour Ephèse, amputée de Publius Sulpicius Galba, tombé gravement
malade et contraint de demeurer sur place, dans l’inconfortable situation d’un
plénipotentiaire menacé de devenir, du jour au lendemain, otage. Quand ils
parvinrent à Éphèse, une mauvaise nouvelle attendait ses deux collègues.
Antiochos n’était pas là car il avait dû partir mater une révolte en Pisidie.
Ils cachèrent leur désappointement et partirent pour la capitale de cette
province, Apamée, où ils purent commencer les négociations avec le monarque.
Malheureusement, celles-ci furent interrompues par le deuil frappant la
dynastie séleucide : la mort du jeune prince héritier Antiochos, victime
d’une fièvre contractée en Syrie. Publius Villius Tappulus et Sextus Aelius
Paetus se conduisirent en parfaits diplomates. Après avoir présenté leurs
condoléances et celles du peuple romain au souverain, ils proposèrent le report
des discussions à l’automne suivant, à la fin de la période de deuil. Pour
l’heure, ils se retirèrent à Pergame.
À la date
prévue, on leur fît savoir qu’ils étaient attendus à Éphèse et ils s’y
rendirent en compagnie de Publius Sulpicius Galba, remis de sa maladie. Dans le
palais, les trois légats croisèrent Hannibal et ne se firent pas faute de le
saluer amicalement. Soucieux de ne pas froisser les invités de son hôte, le
chef punique fut obligé de faire preuve d’amabilité avec eux. Publius Villius
Tappulus vit immédiatement tout le parti qu’il pouvait tirer de cette
situation. En faisant une cour assidue au fils d’Hamilcar, il le compromettrait
aux yeux du souverain séleucide, convaincu que le proscrit cherchait à négocier
avec Rome son retour dans sa patrie. Il poussa même la perfidie jusqu’à convier
à dîner le vainqueur de Cannae. Contraint d’accepter, le chef punique se montra
au début peu loquace. Ne reculant devant aucune flagornerie, le Romain,
s’affirmant passionné par les questions militaires, demanda à son interlocuteur
qui était, à ses yeux, le plus grand général de tous les temps. La réponse
tomba sèche comme un couperet :
— Alexandre.
Il a fondé un empire et parcouru des milliers de stades jusqu’aux rives de
l’Hindus [86] tout en respectant les coutumes des peuples conquis et les laissant se
gouverner selon leurs propres lois. Il serait devenu le maître du monde si la
mort ne l’avait pas emporté prématurément.
— Tu
as sans
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