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Hannibal, Sous les remparts de Rome

Hannibal, Sous les remparts de Rome

Titel: Hannibal, Sous les remparts de Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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dormaient encore, l’époux d’Imilcé fit sortir ses hommes du
défilé. Il perdit en chemin de nombreuses bêtes de somme, que leurs conducteurs
faisaient galoper au mépris de toute prudence, et qui, trébuchant sur des
ornières, étaient précipités dans les crevasses bordant la route, s’écrasant
avec un bruit mat sur le sol pierreux.
    Hannibal
avait toutefois tiré de cette embuscade une leçon précieuse : les
montagnards ne s’attaquaient pas aux éléphants dont la seule vue les faisait
fuir. Aussi répartit-il les pachydermes tout le long du convoi, ce qui parut
décourager les guerriers ennemis. A moins que ceux-ci n’aient été sensibles à
un geste conscient de sa part : il avait libéré les otages remis à sa
garde dès qu’il s’était rendu compte qu’ils étaient de très basse extraction.
Ils étaient repartis, porteurs de quelques cadeaux, mais surtout de récits sur
la vaillance des Carthaginois et leur quasi-invincibilité. Il avait chargé les
captifs libérés d’un message pour ceux qui avaient tenté d’entraver sa
progression. Il comprenait leur souci de conserver leur indépendance dans leurs
solitudes glacées et il doutait fort que d’autres, par la suite, imitassent son
exemple.
    Il ne
ressentait nulle rancune des pertes cruelles qu’ils lui avaient infligées. En
fait, sa vindicte était essentiellement dirigée contre ses guides gaulois dont
il avait percé le manège. Outre le fait qu’ils n’avaient pas dénoncé la ruse
ourdie par leurs compatriotes, ils n’avaient ensuite cessé de lui indiquer de
fausses routes, conduisant l’armée dans des vallées se terminant en
culs-de-sac, et l’obligeant à revenir sur ses pas. Les soldats, fatigués par
ces marches sans fin, grognaient et se montraient, non sans bonnes raisons, de
plus en plus indisciplinés. Voulant donner satisfaction à ses hommes, le fils
d’Hamilcar convoqua donc tous les guides afin, affirma-t-il, de les tancer
d’importance. En fait, sitôt qu’ils eurent pénétré sous sa tente, ils furent
désarmés et un tiers d’entre eux poignardés par des gardes numides. Les autres
furent avertis qu’un sort identique les attendait s’ils s’obstinaient à faire
preuve de déloyauté.
     
    ***
     
    La leçon
porta ses fruits et les Gaulois conduisirent Hannibal et ses hommes au pied
d’un col derrière lequel, prétendaient-ils, se trouvait l’Italie. Un camp fut
rapidement édifié et, durant deux jours, les hommes purent se reposer et panser
leurs blessures. Peu à peu, l’on vit arriver des escouades entières de
fantassins qu’on avait cru perdus mais qui, au plus fort des combats, s’étaient
enfoncés dans les forêts et avaient erré, gardant l’espoir qu’en marchant en
direction du sud-est ils finiraient par retrouver le gros de l’armée. Tout au
long de leurs pérégrinations hasardeuses, ils avaient récupéré chevaux et bêtes
de somme abandonnés par leurs cavaliers et leurs conducteurs. Ces renforts
n’étaient pas négligeables car, depuis le franchissement du Rhône, Hannibal
avait perdu plus de quinze mille hommes, parmi lesquels bon nombre de
mercenaires ibères dont l’absence se ferait cruellement sentir dans les
batailles à venir.
    Au matin
du troisième jour, la neige commença à tomber en flocons épais. Pour beaucoup,
c’était là un mauvais présage car ce changement de temps coïncidait avec la disparition
dans le ciel de la constellation des Pléiades, particulièrement vénérée par les
Phéniciens. Pour Hannibal, qui, en privé, se moquait de ces sottes
superstitions mais ne laissait rien transparaître de ces sentiments en public,
le moment était décisif. Il devait passer coûte que coûte. Deux ou trois
semaines plus tard, le col serait enfoui sous d’épaisses couches de neige et
serait infranchissable. A l’idée d’imposer à ses soldats une retraite au milieu
des tribus hostiles, il frémit de crainte. Non, il ne pouvait plus reculer. Il
ne parvint pas à trouver le sommeil de la nuit. Pour la première fois de sa
vie, il avait un rendez-vous d’importance avec le destin et sentait peser sur
ses épaules un lourd fardeau. De sa réussite dépendait l’avenir de sa cité,
Carthage, dont il revoyait les rues et les champs verdoyants, contrastant avec
les cimes enneigées qui se dressaient vers le ciel. Au petit matin, quand il se
présenta devant ses hommes, il n’eut pas besoin de prononcer de discours. En le
voyant, chacun devinait

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