Hannibal, Sous les remparts de Rome
les commerçants et des paysans
en quête de terres ou de la liberté. C’était là un risque qu’ils ne voulaient
pas prendre. Le chef punique les écouta sans montrer ses sentiments. Il n’y
avait rien à obtenir de ces êtres bornés et stupides qui pouvaient infliger de
lourdes pertes à ses troupes. Après avoir renvoyé les porte-parole des
montagnards, il ordonna à quelques espions d’observer les mouvements de
l’ennemi. Ceux-ci constatèrent que leurs adversaires, perchés sur des
promontoires, montaient la garde durant la journée mais regagnaient leurs
cabanes à la tombée de la nuit sans poster de sentinelles ou établir de
patrouilles. Le fils d’Hamilcar décida donc d’avoir recours à un stratagème.
Dès que la
nuit enveloppa ce paysage désolé, il fit partir ses meilleurs soldats,
principalement des mercenaires ibères, et leur ordonna de gravir en silence les
pentes et d’occuper les hauteurs situées au-dessus des postes d’observation des
Allobroges. Au petit matin, les trompettes sonnèrent dans le camp carthaginois.
Plusieurs centaines de fantassins et de cavaliers, au milieu desquels avaient
pris place des chariots, s’ébranlèrent et pénétrèrent dans le défilé. Aussitôt,
les montagnards firent rouler des blocs de pierre le long des pentes, semant la
terreur dans les rangs puniques. Hommes, chevaux et chariots étaient précipités
dans les ravins ou fuyaient en désordre, écrasant sur leur passage les blessés
et les traînards. Persuadés d’avoir obtenu la victoire, les agresseurs
quittèrent leurs positions, et en descendirent en empruntant des sentiers
étroits connus d’eux seuls pour achever les mourants et s’emparer de leurs
armes. C’est alors que les mercenaires ibères, demeurés jusque-là invisibles,
se mirent en mouvement en poussant leurs cris de guerre traditionnels. Ils
fondirent sur les Allobroges cependant que les fantassins qui avaient échappé
aux pierres revenaient en hâte sur leurs pas et vengeaient leurs camarades
moins chanceux. Dédaignant les conseils de prudence de ses capitaines, Hannibal
se jeta dans la mêlée, tuant ou blessant tous les ennemis qui avaient le
malheur de se trouver à sa portée. Les survivants furent achevés par des soldats
ivres de sang et insensibles aux supplications des blessés. Sans prendre le
temps d’enterrer ses morts, le général ordonna aux troupes de franchir le
défilé. Oiseaux de proie et bêtes sauvages purent ainsi se repaître des
cadavres des combattants et des chevaux gisant au fond des ravins. Partis en
avant de la colonne, les cavaliers numides s’emparèrent d’une bourgade désertée
à la hâte par ses habitants. L’armée y fit halte durant trois jours, se
nourrissant des vivres trouvés dans les caves et les greniers des maisons. Par
chance, les villageois n’avaient pas emmené avec eux leur bétail et les
Carthaginois purent de la sorte remplacer la quasi-totalité des bêtes perdues
lors de l’embuscade.
Quittant
le territoire des Allobroges, le fils d’Hamilcar poursuivit sa route. Avertis
de ce qui s’était passé, les chefs locaux vinrent à sa rencontre, lui proposant
leurs services et lui offrant des otages en garantie de leur loyauté. Pourtant
habitué à la ruse et à la cautèle, deux arts dans lesquels il excellait, le
jeune général se laissa abuser par ces manifestations d’amitié. Il omit de
vérifier l’identité des captifs qu’on lui offrait. Pour lui, c’étaient les fils
ou les neveux des roitelets gaulois. En fait, il s’agissait d’enfants de
familles misérables, livrés par leurs parents pour quelques mesures de blé, et
dont nul ne pleurerait la mort s’ils devaient expier la trahison de leurs
maîtres. Les guides gaulois procurés par Braénus, qui avaient deviné le
subterfuge, se gardèrent bien d’en avertir les Carthaginois. Arriva ce qui
devait arriver : alors qu’elle franchissait un défilé, la tête et la queue
de la colonne punique furent attaquées. Les Numides se portèrent au secours des
chariots cependant que les fantassins formant l’arrière-garde repoussaient les assauts
furieux de centaines de guerriers à l’armement rudimentaire mais animés d’une
véritable folie meurtrière. Maniant des pieux et des glaives, frappant d’estoc
et de taille, ils réussirent à couper en deux l’armée d’Hannibal à laquelle la
tombée de la nuit apporta un répit salvateur. Au petit matin, profitant de ce
que les montagnards
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