Hasdrubal, les bûchers de Mégara
chercha la sienne avant de descendre vers sa
poitrine. Je me souviens d’avoir enfoui ma tête entre ses seins cependant que
ses mains expertes caressaient mon entrejambe. N’y tenant plus, je m’enfonçai
profondément en elle, encouragé par ses brefs halètements de plaisir. Puis une
sensation fulgurante de plaisir me traversa, me faisant quasiment perdre
conscience. Quand je revins dans la grande salle, Marcus Lucius Attilius
m’attendait et m’accueillit par un sonore :
— Te
voilà devenu un homme ! Buvons à ta santé, jeune Punique. A propos, quel
est ton nom ?
— Hasdrubal.
— Je
ne suis pas près de l’oublier. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais où
me trouver. Maintenant, rentre chez toi. Tes parents risquent de s’inquiéter
car tu as beau être un bel étalon, tu me parais à peine sorti de l’enfance.
Je me
souviens d’avoir longtemps erré dans les rues de la cité avant de regagner
notre résidence de Mégara. J’étais devenu un homme et j’avais l’impression que
cela se lisait sur mon visage. Tard dans la nuit, je me suis faufilé dans le
palais paternel en passant par les jardins. Au petit matin, j’ai prétexté un
accès de fièvre pour ne pas avoir à me rendre en ville. En fait, je suis
demeuré alité près de huit jours sous l’œil soupçonneux de Baalnawas. J’avais
besoin de ce répit pour méditer et prendre les résolutions qui décideraient du
reste de ma vie.
***
Je suis né
l’année de la mort d’Hannibal, contraint au suicide par la haine inexpiable que
lui vouaient les Fils de la Louve. Le poison qu’il avala pour mettre fin à ses
jours ne fut pas un breuvage amer. Il se survivait à lui-même depuis qu’une
odieuse conspiration ourdie au sein de notre cité par le parti aristocratique
l’avait contraint à fuir précipitamment et à chercher en Orient un refuge
incertain auprès de princes ingrats. L’annonce de son décès, d’après ce que
l’on me raconta, ne provoqua aucun émoi particulier dans notre ville. L’homme
qui avait servi sa patrie avec un dévouement sans limites était quasiment
oublié de ses concitoyens, hormis d’une petite frange de vétérans des campagnes
d’Ibérie et d’Italie. Persécutés par les nouveaux dirigeants du Conseil des
Cent Quatre, les membres du parti barcide, au nombre desquels figurait mon
père, avaient choisi de se montrer fort discrets. Au grand dam de la plèbe qui
supportait l’essentiel des impôts levés pour payer l’indemnité de guerre due
aux Romains, ils se tenaient cois, subissant sans sourciller le joug d’Hannon
le Rab, l’homme fort du Sénat.
Mutumbaal
avait été l’un des premiers à se rallier à lui dès qu’il avait appris la mort
du vainqueur de Cannes. Ce geste lui avait valu de conserver sa place au sein
du Conseil des Cent Quatre et de ne point être rétrogradé au rang de simple
sénateur. Toutefois, dès que je fus en âge de comprendre les subtilités de la
politique, je m’aperçus que mon père jouait un double jeu. En public, il
défendait le parti de la paix. Dans le privé, il entretenait d’étroites
relations avec ses anciens amis ainsi qu’avec les membres de la faction
pronumide dirigée par Itherbaal. Il donnait des assurances aux uns et aux
autres de telle sorte que tous s’en remettaient à son arbitrage lorsque la
dissension s’installait chez nos magistrats. Il avait l’art de trouver chaque
fois un compromis satisfaisant pour tous et jouissait donc d’un grand prestige.
Il se
gardait bien de me faire la moindre confidence sur ses subtiles manœuvres. À
ses yeux, je n’étais encore qu’un gamin indiscipliné bien que fort brillant
élève aux dires mensongers de mes maîtres. Lors de nos rares rencontres, il me
tenait des propos insignifiants, m’interrogeant surtout sur les camarades que
je fréquentais. Il voulait que mes amis appartinssent aux meilleurs lignages
aristocratiques, pensant que ces relations me seraient utiles plus tard pour
parvenir au faîte des honneurs. Pour éviter de l’indisposer, je m’étais
astreint à rencontrer ces jeunes godelureaux, de parfaits imbéciles, vaniteux
et jaloux de leurs privilèges. Avec eux, j’allais chasser près de Sicca et nous
banquetions de concert, observés de loin par les espions d’Hannon le Rab. Nos
frasques rassuraient ce dernier : il n’avait rien à craindre de nous.
Fort
heureusement pour moi, Himilkat continuait à veiller sur moi et m’ouvrit
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