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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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tour.
    — Nous sommes pris au piège, mes amis, et je vous demande infiniment pardon de vous avoir attirés avec moi dans cette nasse car nous n’avons guère de chances d’en sortir vivants. Dans quelques instants, la masse des esclaves révoltés qui sont en train de brûler les installations de la plantation sera ici. Nous ne pouvons même pas fuir par la rivière car l’autre berge est déjà occupée. Écoutez !
    Un tambour venait de se remettre à battre, terriblement proche à présent, scandant une sorte de longue plainte grondante qui semblait la voix même des arbres. Les mains qui le frappaient ne devaient être séparées de la maison que par la largeur du Limbé. Mais il n’y avait pas à se tromper, même pour un non-initié, sur la signification exacte du message propagé par la peau tendue : c’était l’appel à la ruée pure et simple, une sorte d’hallali qui passa comme une râpe sur les nerfs tendus des hommes de la maison.
    — Je… je vois des torches qui approchent de l’eau… chevrota le jeune Moulin en faisant d’héroïques efforts pour raffermir sa voix.
    — Alors, prépare-toi à tirer, dit Gilles en posant sur l’épaule du jeune homme une main apaisante. Mais ne le fais que si tu vois quelqu’un approcher de trop près et après m’en avoir averti. Courage ! On viendra peut-être à notre secours.
    — Qui ça ? grogna Finnegan. Ceux des autres plantations ? Lenormand ou Guillotin ? Ils doivent avoir bien assez à faire avec le maintien de l’ordre sur leurs propres terres. Une révolte quelque part c’est toujours un danger pour les voisins.
    — Mais, dit Pierre Ménard, il y a bien un fort à Port-Margot tout près d’ici ? Qui dit fort dit soldats. La lueur de l’incendie doit se voir à une bonne lieue en mer.
    — En effet. Il y a là une trentaine d’hommes et un capitaine mais, en admettant même qu’ils ne soient pas complètement saouls à cette heure, ils se garderont bien de venir voir, en pleine nuit, ce qui se passe par ici. Outre qu’ils sont là pour garder le fort, ils ne sont pas fous. Demain matin, sans doute, on déléguera quelques hommes pour ramasser les morceaux.
    — Eh bien, soupira Gilles, je vois que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Messieurs, prenez place chacun à une fenêtre et que Dieu nous vienne en aide…
    Avec un hurlement de terreur, Labroche et Tonton venaient de se dresser sur leurs pieds.
    — Pas nous ! Laissez-nous fuir ! On vous en supplie ! Laissez-nous filer ! On peut peut-être encore se sauver. Mais s’ils nous prennent vivants, ils nous feront…
    — Quoi ? coupa Gilles froidement. Ce que vous avez fait à ces malheureux que nous avons trouvés à côté ? Non. Vous resterez ici et ne comptez pas sur nous pour faire l’aumône d’une balle de miséricorde ou d’un coup de couteau. Nous gardons cela pour nous, quand plus rien d’autre ne sera possible.
    — Non ! hurla Tonton presque fou de peur. Je ne veux pas…
    Ses yeux étaient exorbités et ses cheveux presque droits sur sa tête, Gilles se détourna de lui avec dégoût tandis que Pongo, d’un maître coup de poing, l’envoyait sur le plancher oublier momentanément sa terreur mais Labroche, profitant de ce que l’attention se détournait de lui, se rua vers la porte qu’il ouvrit d’un coup de tête et s’élança au-dehors tout en faisant des efforts désespérés pour se libérer les liens qui entravaient ses bras.
    Gilles bondit derrière lui pour le rattraper mais s’arrêta au seuil et, vivement, referma la porte en se signant précipitamment car, au moment précis où le surveillant sautait les marches de la véranda, la horde noire venait de surgir de la nuit avec ses torches, vociférante et déjà lancée sur la maison solitaire.
    La vue de cet homme aux bras liés, seul au milieu de l’espace vide ménagé devant la maison, les arrêta net. Et un silence soudain s’établit…
    Derrière sa meurtrière, Gilles vit les porteurs de torches dessiner un grand demi-cercle comme autour d’une arène. Entre chacun d’eux apparaissaient des hommes maigres et terribles, dont les yeux flambaient presque autant que les nœuds résineux aux poings de leurs compagnons, des femmes dont certaines avaient, dans leurs mains, des quartiers de viande saignante dans lesquels elles mordraient voracement. Ces révoltés avaient dû abattre quelques animaux pour apaiser leur faim. Certains hommes avaient des bouteilles

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