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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ne me fierais guère à ce village muet, à ces maisons qui ont l’air vide.
    Aucun bruit, en effet, ne se faisait entendre. Rien ne bougeait. Les fenêtres des cases n’avaient pas de carreaux. Les unes étaient de simples trous noirs, les autres étaient bouchées par des feuilles de papier sur lesquelles une main assez habile avait peint des poissons, des oiseaux et des figures symboliques d’animaux.
    — Que faisons-nous ? demanda Tim.
    — Avançons déjà jusqu’à la limite de la forêt. La broussaille d’arbres morts, de lianes, de ronces et de plantes est suffisamment dense pour nous dissimuler assez longtemps. De là, nous pouvons atteindre l’arrière des dernières maisons en nous cachant dans le maïs.
    — … et en attendant patiemment qu’une douzaine de diables rouges nous tombent dessus ? Peut-être…
    Il n’alla pas au bout de sa phrase. Le village, d’un seul coup, comme sur un mot d’ordre secret, venait de s’éveiller. Les portes en bois, en peau de cerf ou en simples branchages tressés, laissèrent jaillir toute une population qui se ruait joyeusement à cette fête de la mort qu’allait être le trépas interminable d’un prisonnier. Une immense clameur secoua le village tout entier tandis qu’hommes, femmes, vieillards et enfants se précipitaient vers l’aire de terre battue sur laquelle ils se réunirent, formant un large cercle autour du tambour et du poteau où l’homme attaché se redressait. Si inconfortable que fût sa situation, il avait dû finir par s’endormir et, à présent, il clignait des yeux terrifiés sachant bien que l’heure de souffrir était venue.
    Tous ces gens qui l’entouraient ressemblaient à une horde de démons. Les hommes aux corps basanés, luisants de graisse, étaient nus à l’exception d’une sorte de petit tablier carré couvrant tout juste le pubis par-devant et le coccyx par-derrière. Le crâne rasé à l’exception d’une longue mèche noire partant du sommet de la tête et attachée par des liens de couleurs variées, ils avaient le visage peint de noir, de bleu et de rouge dont les dessins formaient des carrés, des ronds ou des losanges. Leurs pieds étaient chaussés de mocassins en peau fumée et leurs jambes enveloppées de longues guêtres d’étoffe rouge ou bleue. Les femmes portaient des espèces de chemises qui leur descendaient aux genoux mais presque toutes celles qui étaient jeunes avaient sur le dos, dans un sac dont les bouts se nouaient sur leurs fronts, un ou deux bébés.
    Le ciel avait pris une teinte d’un rouge brillant et les fumées qui sortaient des toits des cases derrière lesquelles l’Oswego roulait des eaux brunâtres et lisses comme un miroir, devenaient roses. Dans un instant le soleil allait inonder la scène tragique de ses rayons qui, cependant, étaient porteurs de vie et devaient donner le signal de la mort.
    Le poing de Gilles se serra autour de son mousquet dont il venait de vérifier les charges. Il était bien décidé, s’il ne pouvait rien faire de mieux, à loger une balle dans la tête de ce malheureux dont il pouvait distinguer nettement à présent le corps maigre et le visage mangé d’une barbe poivre et sel. C’était un homme déjà âgé et il tremblait visiblement devant le sort qui l’attendait, ce qui n’arrangerait pas son cas, les Iroquois s’ingéniant à étirer d’autant plus les supplices que la victime montrait plus de terreur. S’il leur arrivait de faire grâce, c’était justement à ceux qui, dans les tortures, étaient capables de montrer un courage extraordinaire.
    Soudain, comme le soleil levant inondait toutes choses de sa clarté, les doubles portes de la maison du chef s’ouvrirent et, précédé de quelques guerriers, Kiontwogky, plus connu sous le sobriquet de Cornplanter ou encore de Handsome Lake 1 , apparut tellement semblable au souvenir qu’en gardait Tournemine que le temps lui parut, brusquement, revenir en arrière.
    Presque aussi grand que le Breton, le chef iroquois était d’une beauté extraordinaire, à la fois sauvage et sereine, ce qui lui avait valu le dernier de ses surnoms, mais son aspect était impressionnant. Un ample manteau pourpre drapait de façon quasi impériale un corps couleur de cuivre clair 2 dont les muscles formidables étaient soulignés par les nombreux ornements d’argent qu’il portait. Une sorte de couronne, d’argent ciselé elle aussi, serrait son crâne rasé du sommet duquel partait un

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