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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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étonnant bouquet de cheveux et de plumes multicolores. Les lobes de ses oreilles extraordinairement distendus soutenaient des chaînes d’argent, si longues qu’elles retombaient sur ses épaules, attachées dans des trous si larges qu’on aurait pu y passer un doigt. Tel qu’il était, Cornplanter pouvait avoir vingt-six ou vingt-sept ans.
    La majesté de cet homme, dont Gilles n’ignorait ni la folle cruauté ni la haine dont il poursuivait ses demi-frères blancs, était telle que le Breton, fasciné, en oubliait presque de respirer. Quand Tim toucha doucement son bras, il tressaillit.
    — L’enfant ! souffla l’Américain. Regarde…
    Occupé à détailler le masque parfait de son ennemi, Gilles n’avait pas remarqué qu’un enfant marchait à ses côtés, à demi dissimulé par les plis du manteau rouge et que la main de Cornplanter s’appuyait légèrement à son épaule. Mais à la vue de ce petit garçon qui devait avoir cinq ans son cœur se mit à battre la chamade tandis qu’une bouffée d’orgueil lui mettait le sang aux joues : jamais il n’avait vu un enfant plus beau. Il ressemblait à une statue d’or.
    Retenues par un serre-tête brodé de couleurs vives, les longues mèches soyeuses de ses cheveux brillaient dans le soleil, tombant sur ses épaules dont la couleur se confondait presque avec elles. Dans le petit visage bronzé de l’enfant dont le profil, délicatement modelé, offrait une ressemblance certaine avec celui de Tournemine, les yeux, d’un azur pâle, n’avaient rien de commun avec ceux des autres bambins de la tribu.
    Comme son père adoptif, le petit garçon était presque nu, mais des bracelets d’argent enserraient ses poignets et un petit tomahawk à sa taille était passé à sa ceinture. Il marchait avec une gravité un peu hautaine, visiblement très fier d’accompagner le chef pour une cérémonie. Et Gilles qui le dévorait des yeux luttait de toutes ses forces contre la folle envie qui le possédait de se jeter au milieu de ces gens, d’enlever son fils dans ses bras et de fuir avec lui jusqu’au fond des forêts.
    C’était un sentiment étrange, à la fois primitif, brutal et d’une étonnante douceur et Gilles avait la sensation bizarre que de cette petite silhouette partaient d’invisibles prolongements, semblables à des lianes, qui venaient s’accrocher au plein de son cœur et s’y cramponnaient. Divinement heureux et affreusement jaloux de voir l’enfant si près de Cornplanter, il vivait à la fois le paradis et l’enfer, oubliant totalement le malheureux qu’il s’était juré de délivrer d’une manière ou d’une autre.
    — C’est le plus bel enfant que j’aie jamais vu ! marmotta dans son dos Tim sincère. Tu es heureux ?
    — Tu n’imagines pas à quel point…
    — Je vois… Seulement il y a ce pauvre type, là-bas, qui ne doit pas l’être autant que toi. Qu’est-ce qu’on fait ?
    — Tout ce qu’on peut faire pour lui, c’est le tuer avant qu’il ne souffre trop. Mais les mousquets font du bruit. Ne pourrait-on essayer de trouver un arc et des flèches dans une de ces cabanes ? Il ne doit plus y avoir un chat à l’intérieur. Si j’en juge à l’importance de la foule, tout le village est sur la place.
    — On peut toujours essayer.
    Le plus doucement qu’ils purent, les deux hommes quittèrent leur abri de buissons et de taillis et se mirent à ramper dans les herbes déjà hautes de la prairie puis dans le maïs en direction du village. À mesure qu’ils s’en approchaient le vacarme de cris et de chants rythmés par le roulement frénétique du tambour leur emplissait les oreilles en même temps que l’odeur du village montait à leurs narines. C’était une odeur un peu aigre mais qui n’était pas absolument déplaisante. Elle sentait les herbes marinées dans la graisse, la mousse et le feu de bois.
    Soudain, un cri atroce domina le tumulte :
    — Bon Dieu ! jura Tournemine. Ils s’y mettent déjà.
    Redressés sur les mains, le cou tendu, l’œil au ras des plantes, Tim et Gilles embrassèrent la scène. L’homme au poteau se tordait de souffrance et hurlait sans discontinuer tandis qu’une vieille femme lui appliquait sur le ventre un soc de charrue rougi au feu.
    — Vite ! gronda Gilles en courant vers la première case. Il faut trouver cet arc tout de suite, sinon je tire… Écoute ces démons, ils rient des souffrances de ce malheureux…
    Il allait franchir le seuil mais,

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