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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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brusquement, il s’arrêta horrifié : Cornplanter conduisait l’enfant vers l’homme attaché au poteau. Il tenait une torche allumée qu’il plaça dans la main du petit garçon, lui désignant la victime avec un sourire d’encouragement. L’enfant fit signe qu’il avait compris, et, souriant à son tour, marcha d’un pas ferme vers le malheureux. Alors n’écoutant plus que sa fureur, Gilles fonça…
    Courant comme un fou, renversant à coups de poing ceux qui gênaient son passage, il tomba comme la foudre près de l’enfant au moment où il approchait la flamme du corps sans défense, arracha la torche de sa petite main et l’écrasa furieusement sous son talon. Puis, tirant son couteau de chasse, il le plongea d’une main ferme dans le cœur du supplicié qui, atrocement brûlé, poussait de longues plaintes.
    Un profond silence s’abattit sur l’assemblée. L’effet de surprise avait joué à plein en faveur du Français mais ne dura qu’un instant. Bientôt une clameur indignée emplissait la place. Une poignée de guerriers s’empara de Gilles, le maîtrisa et le traîna plus qu’elle ne le conduisit devant le chef. Celui-ci considéra son nouveau prisonnier avec le dédain amusé que l’on réserve en général aux simples d’esprit.
    — J’imagine que tu es de la famille de cette loque sans courage que j’allais livrer aux femmes et aux enfants pour leur amusement. Il faut que ce soit cela car, lui donner une mort rapide, c’est accepter de prendre sa place…
    Il avait parlé anglais, langue qu’il maniait avec une grande aisance.
    — Je n’ai jamais vu cet homme, fit Gilles tranquillement.
    — Qu’avais-tu alors besoin de te mêler de son sort ?
    — En dehors du fait qu’il était âgé et visiblement faible, son sort ne m’intéressait pas. En revanche, je refuse formellement que tu apprennes à cet enfant le déshonorant métier de bourreau, ajouta-t-il en désignant le petit garçon dont les grands yeux bleus, si semblables aux siens, le considéraient avec sévérité.
    Ceux de Cornplanter se chargèrent de nuages.
    — Comment oses-tu, misérable Visage Pâle, venir me dicter ce que je dois ou non apprendre à mon fils ?
    — S’il était ton fils, je ne me mêlerais certainement pas de son éducation. Mais il n’est pas ton fils.
    Brusquement, l’Iroquois arracha le tomahawk qui brillait à sa ceinture et le brandit furieusement au-dessus de la tête de l’insolent.
    — Qui a osé te dire que Tikanti n’était pas mon fils ?
    — Personne. Mais moi je le dis. Il ne peut pas être ton fils. Il est celui de Sitapanoki, la fille du dernier Sagamore des Algonquins que tu as volée à Sagoyewatha. Et il est aussi le mien.
    Comme un seau d’huile jeté sur de l’eau bouillonnante, la surprise éteignit la colère de Cornplanter. Son bras armé retomba lentement à son côté.
    — Ton fils…
    — Mais oui. Allons, regarde-le… et regarde-moi ! Ne vois-tu pas qu’il me ressemble ? Regarde ses yeux !
    Repoussant d’une bourrade ceux qui le maintenaient, il se pencha, prit dans sa main le menton de l’enfant qui, mécontent, se mit à cracher comme un petit chat en colère et l’obligea à lever la tête.
    — … Allons ! Regarde bien !… Ils ne sont pas fréquents, chez les Iroquois, ceux qui ont des yeux de cette nuance.
    Un long moment l’Indien considéra les deux visages dont les clairs rayons du soleil levant accentuaient la ressemblance. Au désenchantement qui se peignit sur sa figure, Gilles comprit qu’il était convaincu. Sa main, encore possessive malgré tout, vint se poser sur la tête de l’enfant qu’il appelait Tikanti 3 , s’y attarda en une sorte de caresse qui surprit le chevalier, les Indiens n’étant guère réputés pour leur tendresse. Finalement, d’un geste maussade et d’un ordre brutalement aboyé, Cornplanter écarta ceux qui gardaient son prisonnier.
    — Viens dans mon wigwam. Nous avons à parler… Tu es venu seul ?
    — Non. J’ai des compagnons. Ils sont restés dans la forêt pour y attendre, en paix, mon retour.
    Tim, en effet, voyant Gilles foncer en aveugle sur le village s’était bien gardé de le suivre. Mieux valait surveiller de l’extérieur ce qui allait se passer qu’offrir un prisonnier de plus, donc impuissant, à Cornplanter.
    Le terme de wigwam, employé par le chef iroquois, était inexact et né sans doute de l’habitude car l’espèce de fortin enfermait une cour et

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