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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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à y trouver de la place, surtout pour un Noir…
    — Alors, indiquez-moi l’adresse d’un médecin compétent. Il faut vraisemblablement amputer cet homme et je ne peux tout de même pas le faire moi-même et sur une place publique. Quant à l’emmener jusqu’à ma plantation, c’est impossible. J’ignore d’ailleurs s’il s’y trouve un médecin.
    Pris tout entier par sa discussion avec l’envoyé du gouverneur, Gilles n’avait pas prêté attention à un homme assez singulier qui s’était approché du brancard que les marins venaient d’ôter du canot et de déposer à terre en attendant que l’on prît une décision.
    À première vue c’était, sous un vieux chapeau de paille effrangé dont le fond troué dressait quelques brins vers le ciel, un étonnant assemblage de barbe et de cheveux dont on ne savait pas très bien si la couleur dominante était le blond ou le gris. Une chemise de matelot rayée et passablement sale s’étalait sous la barbe et, plus bas encore, un pantalon de coutil trop court et troué à deux ou trois endroits laissait voir des mollets nerveux terminés par de grands pieds nus couverts de poussière. Le tout dégageait une puissante odeur de rhum.
    D’une main négligente, l’homme avait soulevé la toile qui couvrait Moïse après avoir, d’un grognement féroce, incité au respect le matelot qui prétendait l’en empêcher. On put le voir se pencher sur le malade aux prises avec tous les démons de la fièvre et faire courir sur le membre atteint de longs doigts minces d’une étonnante légèreté. Puis il se redressa.
    — Si vous amputez cet homme, monsieur, vous en ferez, pour la vie, un malheureux infirme…
    La voix teintée d’un solide accent irlandais était éraillée mais pas vulgaire.
    Lâchant Rendières occupé à lui expliquer qu’il aurait toutes les peines du monde à trouver un médecin qui consentît à prendre le blessé en charge, Gilles se tourna vers lui, considérant avec une surprise mêlée d’agacement cet interlocuteur dépenaillé qu’on pouvait, à ses effluves, reconnaître pour un ivrogne patenté sans risque de se tromper.
    — Et si on ne l’ampute pas, il meurt. C’est l’avis du chirurgien-major qui vient de venir visiter mon bateau. C’est aussi celui du capitaine dudit bateau…
    — Ce n’est pas le mien, dit l’homme tranquillement.
    Sous l’ombre du chapeau et d’un buisson de sourcils, Tournemine rencontra le regard de deux yeux verts semblables à de jeunes pousses au printemps. En dépit de l’aspect peu engageant du personnage, ce regard lui fit éprouver une agréable impression de fraîcheur venant après la splendeur légèrement compassée de l’aide de camp.
    — Puis-je, sans vous offenser, demander si cet avis est autorisé ? dit-il courtoisement.
    — Peut-être… et peut-être aussi que vous n’avez pas le choix. À part ce brave type de docteur Durand qui est aux prises avec le choléra, personne ici ne soignera votre esclave…
    — Ce n’est pas un esclave et je ne vois pas pourquoi, si j’y mets le prix, on me refuserait des soins. Mon or, lui, n’a pas la peau noire.
    — C’est exact et je serais enchanté de faire sa connaissance car, depuis quelque temps, nous ne nous saluons même plus. Quant aux médecins d’ici, vous en trouverez peut-être un qui se laissera tenter mais il amputera et cet homme, j’en jurerais, en mourra aussi sûrement que si on laisse faire la gangrène. De toute façon, vous n’avez rien à perdre. Même si je n’en ai pas l’air, je suis médecin… et pas plus mauvais qu’un autre.
    Une tempête de rires et de quolibets salua cette déclaration qui semblait être la chose la plus drôle entendue depuis longtemps sur le port du Cap. M. de Rendières se contenta, pour sa part, de hausser ses épaulettes d’or.
    — Ne vous laissez pas circonvenir par cet homme, chevalier ! C’est le pire ivrogne qui ait jamais traîné les bouges du port. On l’appelle « L’Éponge ».
    — Jamais dit que je n’étais pas un ivrogne, admit l’autre dignement. Chacun prend son plaisir où il le trouve. Mais ça n’a jamais voulu dire que je ne sois pas aussi médecin. Alors, monsieur, vous vous décidez ? Si on ne fait pas quelque chose votre nègre sera mort dans un ou deux jours.
    — Que proposez-vous de faire ?
    — Ouvrir cette jambe et voir ce qu’il y a dedans.
    — Quelle folie ! s’écria Rendières. Et où pensez-vous faire cette

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