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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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où l’interminable blancheur de la plage bordée de palmiers tranchait vigoureusement entre la glace bleu-vert de la mer et le sombre massif montagneux, d’un vert dense, qui la dominait. Au fond de cette baie, au pied de ces montagnes, la ville s’étalait, blanche, rose, jaune, bleue, semblable à un gros joyau sur le velours sombre de l’écrin, à un bouquet de fleurs au milieu du feuillage.
    Elle avait, de loin, un charme languide contrastant avec la puissance sauvage des mornes qui, au-dessus d’elle, s’élevaient si haut que leurs sommets se perdaient dans les nuages blancs mais, à mesure que le navire, sous la main habile de Boniface, pénétrait plus profondément dans la rade, évitant récifs et écueils cachés avec la sûreté d’une longue habitude, l’impression de paresseux paradis se dissipait car la rade, elle, grouillait d’activité.
    Vaisseaux marchands, cotres, sloops et brigantins parsemaient la baie autour d’un imposant vaisseau de ligne que du premier coup d’œil Tournemine crut bien reconnaître. C’était en effet le Diadème qui avait jadis fait partie de la flotte du chevalier de Ternay transportant le corps expéditionnaire du comte de Rochambeau qui s’en allait à la rescousse des Insurgents américains.
    La présence du puissant navire parut de bon augure au maître du Gerfaut. Il y vit comme un clin d’œil du destin, une présence connue en face de l’inconnu et ce fut avec enthousiasme qu’il fit tirer une seconde salve à laquelle répondirent courtoisement le Fort Français et le Fort de Limonade tandis que le bateau poursuivait son chemin, à allure réduite, au milieu d’une infinité d’embarcations, les unes à voile, les autres à rames qui faisaient la navette entre la ville et les bateaux, transportant marchandises et passagers. Quelques-unes qui, sans doute, n’avaient rien à faire se portèrent au-devant du nouveau venu.
    Boniface désigna un sloop assez finement gréé qui approchait à vive allure.
    — Vous allez avoir de la visite. Le chirurgien-major vient voir si vous ne transportez pas de « bois d’ébène ».
    — Aurions-nous, par hasard, l’allure d’un négrier ? protesta Gilles, offusqué. Sentons-nous si mauvais ?
    — Faut pas vous offenser pour si peu, monseigneur. Le bonhomme fait seulement son travail, peuchère ! C’est la règle. Et puisque vous n’avez pas de nègres à bord, vous lui direz tout bonnement… Y mettra pas en doute la parole d’un seigneur comme vous. D’autant qu’en général on n’a pas de belles dames sur ces sales rafiots.
    — J’en ai un seul et il est gravement blessé. Il a besoin d’être promptement soigné. C’est un vrai médecin votre chirurgien-major ?
    Le pilote allongea une lèvre aussi dubitative que ridée.
    — J’saurais point vous dire. Faut d’ailleurs pas être grand clerc pour « parfumer » une cargaison qu’on s’apprête à débarquer.
    — Parfumer ?
    — Ce veut dire passer au vinaigre. Après ça, on descend les nègres à terre et on les enferme dans les baraquements que vous voyez là-bas, à la Faussette, à l’entrée de la rivière Galiffet, pour leur redonner un petit air de neuf avant la vente. Dame ! sont pas souvent très frais après des jours et des jours d’entrepont. Alors z’ont besoin d’un petit coup de cirage et de chiffon. Mais, pour c’qui est du vôtre, vaut mieux le déclarer au major. Sont d’une drôle de susceptibilité là-dessus… des fois qu’on entrerait des nègres en fraude et qu’les autorités toucheraient pas leur p’tit pourcentage.
    — Telle est bien mon intention ! fit Gilles froidement.
    Le chirurgien-major, long personnage lymphatique dont le teint jaune et les poches plombées des yeux annonçaient une santé délabrée, se montra plein de révérence envers le maître de ce navire, signe indubitable d’une belle fortune, mais tint, ainsi que l’avait annoncé Boniface, à voir Moïse que quatre hommes amenèrent avec d’infinies précautions et installèrent momentanément sur le tillac à l’abri d’une toile tendue.
    Vêtu d’une chemise blanche que les femmes lui avaient confectionnée à la hâte afin qu’il ne fût pas confondu avec un esclave, le gigantesque Noir était visiblement très malade. Presque inconscient, il tressautait faiblement par instants sur les matelas de sa couche chaque fois que sa jambe enflée bougeait si peu que ce soit et, même sur cette peau noire, les

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