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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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recevait ses confidences ?
    —    Sa grande amie, c'est Germaine Caron. Elle travaille dans un magasin de la rue Saint-Joseph. Chez THIVIERGE, je crois. Elle fait aussi partie de la chorale. Elles se voyaient tous les jours, ou presque.
    —    Vous avez une idée de ce qui a pu arriver à Blanche ?
    —    Pas du tout. Ça ne lui ressemble pas, de disparaître comme ça. Avec mon drap, par-dessus le marché.
    L'homme demeura songeur un instant, encore étonné de cet affront supplémentaire.
    —    Si vous avez des nouvelles, faites-le-moi savoir, fit Gagnon en remettant dans sa poche le carnet qui lui servait à prendre des notes.
    Il était presque rendu à la porte quand Tremblay lui demanda, sincèrement inquiet:
    —    Vous croyez qu'il lui est arrivé quelque chose? Un accident?
    —    Ses parents ont signalé sa disparition. J'essaie de savoir où elle est.
    —    Si vous la voyez, dites-lui de revenir si elle veut. Je la reprendrai tout de suite.
    Le policier acquiesça d'un mouvement de tête. Blanche devait être une bonne employée. Elle manquait visiblement plus à son employeur qu'à son beau-père.
    Renaud Daigle avait regardé la manœuvre d'amarrage, près de la passerelle, un sac de cuir à la main. Ses autres bagages, trois grosses malles, resteraient dans les entrepôts de la compagnie maritime jusqu'à ce qu'il se soit trouvé un logis. Dès que la passerelle fut bien fixée, il s'y engagea l'un des premiers, soulevant quelques remarques des vieilles dames un peu bousculées par sa hâte. Sur le quai, deux officiers de l'immigration examinaient les passeports. Les ressortissants des pays étrangers, arrivés comme immigrants, étaient invités à se ranger de côté. Daigle n'attira qu'un regard rapide et un mot de bienvenue. Les gens rentrant chez eux ne recevaient guère d'attention.
    Le débarcadère se trouvait à deux pas de la Place-Royale, où se tenait l'un des marchés aux denrées de la ville. Les cultivateurs proposaient des fruits, des légumes. Certains offraient des volailles vivantes, auxquelles les ménagères devraient tordre le cou avant de les apprêter : c'était encore le meilleur moyen pour elles d'être certaines de la fraîcheur du produit. Les pièces de porc ou de bœuf, tués depuis au moins la veille au soir, brunissaient lentement sous une nuée de mouches. Quant au lait, après environ six heures sous le soleil de juillet, il apporterait sa part de gastroentérites: la province était affectée par un taux de mortalité infantile très élevé, mais la classe politique n'avait pas encore jugé bon de rendre la pasteurisation obligatoire.
    Les cultivateurs vendaient leurs marchandises à la criée, tentant d'attirer les badauds. Daigle reconnaissait l'accent guttural et la prononciation paresseuse du Québec. S'il ne voulait pas être considéré comme un étranger, il devrait se débarrasser rapidement de sa prononciation pointue acquise en France et en Suisse. En anglais, il se promettait de conserver jalousement le parler distinctif et distingué d'Oxford : rien de tel pour impressionner les Canadians au thé de cinq heures. La bonne société de Québec, présumait-il, quelle que soit son appartenance linguistique, sacrifiait encore au five o'clock tea.
    Renaud Daigle traversa lentement la place du marché, regardant, écoutant et sentant tout sur son passage. La journée était chaude et humide, la sueur lui mouillait déjà les aisselles. Son complet de lin pâle, et surtout son panama de paille lui donnaient l'air d'un touriste. Il avait desserré un peu sa cravate pour défaire le bouton du col de sa chemise. Le caractère estival, presque négligé de sa tenue, trahissait celui qui n'a rien à faire. Grand, Daigle était encore assez mince - ça n'allait pas durer à en juger par le ventre de son père, passé trente-cinq ans. Ses cheveux châtains commençaient à se raréfier sur le sommet de son crâne. Pour compenser, il s'était laissé pousser une fine moustache. Rien chez lui n'attirait particulièrement l'attention, si ce n'est un front haut et large d'intellectuel. Légèrement myope, il regardait le monde à travers de petits verres ronds, cerclés de métal doré. Il en avait même une paire teintée verte, pour les jours où il était prêt à paraître un peu excentrique.
    En quelques minutes, il atteignit l'escalier Casse-cou. Plusieurs dizaines de marches lui permirent d'accéder à la Haute-Ville, sur la terrasse

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