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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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profita de ses heures de liberté pour parcourir à cheval la sierra de Guadarrama. Devant le pic de Peñalara, il se revit devant les Alpes, au pied du Grand-Saint-Bernard. Il imagina qu’en cette saison l’hospice était déjà sous la neige et, de là, sa pensée glissa tout naturellement vers le lac Léman, vers Dorette. Le soir même, ayant l’opportunité d’un courrier diplomatique, plus rapide que la poste aux relais aléatoires, il lui écrivit une lettre à laquelle il joignit une petite aquarelle représentant la résidence royale. Blaise parcourut souvent, à la tombée de la nuit, les jardins étagés, dessinés autrefois par les Français René Carlier et Étienne Boutelou, pour le compte du petit-fils de Louis XIV, Philippe V d’Espagne, qui avait la nostalgie de Versailles. Il découvrit avec Ribeyre les vingt-six fontaines monumentales dispersées dans le parc et grimpa jusqu’au lac artificiel qui, par un système fondé sur le principe des vases communicants, inondait Persée et son dragon, douchait Amphitrite, abreuvait tritons et batraciens de marbre, dressait pour la Renommée chevauchant Pégase un panache liquide de cinquante mètres de hauteur. Devant les bains de Diane, immense bassin peuplé de nymphes, de faunes, de lions, d’oiseaux fabuleux, de serpents, tout ce monde soufflant de l’eau, vomissant des cascades, crachant des pluies disciplinées, un Espagnol, officier du Palais, rappela aux visiteurs la phrase célèbre de Philippe V voyant pour la première fois fonctionner ce théâtre d’eau : « Tu m’as distrait trois minutes, mais tu m’as coûté trois millions ! »
     
    Malgré les fêtes et les bals organisés pour distraire les plénipotentiaires et leur suite, malgré le charme acide et les œillades des belles danseuses ségoviennes, malgré la succulence des mets et l’arôme des vins, Fontsalte trouva au paysage, comme aux monuments et aux gens, une tonalité mélancolique. L’étiquette compassée de cette cour désuète, les jardins ordonnés, oasis insolite au milieu d’une forêt de pins, l’horizon gris des montagnes couvertes de bruyère, tout transpirait le royal ennui de la Vieille-Castille.
     
    – On comprend mieux, ici, la neurasthénie chronique du premier Bourbon, roi d’Espagne, qui ne trouvait d’exutoire que dans l’architecture et les jeux d’eau, observa Ribeyre, qui partageait le sentiment de Blaise.
     
    Quand le traité fut signé, le 1 er  octobre 1800, qui rendait à la France une grande province d’Amérique dont personne ne connaissait exactement les limites, la délégation française et sa suite furent bien aises de regagner Paris.
     
    – On prête au Premier consul l’intention de former une armée et une administration, pour aller militairement occuper la Louisiane. Peut-être serons-nous de l’aventure. Un préfet colonial a déjà été nommé, le ci-devant baron Clément de Laussat, qui se fait appeler Laussat tout simplement, annonça Ribeyre.
     
    – Encore un qui a renoncé à sa particule, observa Blaise.
     
    Le général posa sur son aide de camp un regard malicieux.
     
    – Cher marquis Blaise de Fontsalte des Atheux, permettez au comte Claude Ribeyre de Béran de vous dire, en tant que ci-devant volontaire, que le citoyen Laussat n’est pas le seul à s’être sagement… roturisé, si vous me permettez ce barbarisme !
     
    Tandis que leur berline roulait sur les routes cahoteuses, entre Pampelune et Bayonne, les deux amis commencèrent à échafauder des projets, comme en font les soldats désœuvrés quand les canons se sont tus.
     
    1 Ce buste fut placé dans la salle des délibérations du conseil municipal, où il demeura jusqu’en 1815, quand, après la défaite de Waterloo, un commissaire de police antibonapartiste virulent le brisa. Le buste que les visiteurs peuvent voir aujourd’hui au musée de Dijon n’est qu’un moulage de la sculpture originale. D’après Bonaparte à Dijon , général Duplessis, éditions L. Damidot, Dijon, 1926.
     
    2 Mémoires sur Napoléon, le Directoire, le Consulat, l’Empire et la Restauration (1829-1831, 10 volumes), rédigés par M. de Villemarest d’après les écrits de Bourrienne.
     
    3 Cité par André Castelot dans Bonaparte , Librairie Académique Perrin, Paris, 1967.
     
    4 Cité par Bruno-Jean Martin dans le Matin et le vent, promenades à Saint-Galmier, Chazelles-sur-Lyon et Saint-Symphorien-sur-Coise , Librairie Le Hénaff,

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