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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’air harassé que lui avait donné, sans doute inconsciemment, le sculpteur.
     
    Blaise apprit par l’aide de camp de Daunou, très au fait de tous les potins parisiens, qu’au mois de juin, quand cette statue avait été enlevée sur ordre du Premier consul, les ouvriers avaient trouvé, dans le globe qu’elle brandissait de la main droite, un nid de tourterelles ! Ces paisibles oiseaux reviendraient-ils nicher sur la colonne projetée 7  ?
     
    Chassant ces pensées importunes, Blaise quitta Gilles de Montchal et rejoignit les chasseurs à cheval de la Garde, son unité d’origine, qui devaient escorter jusqu’aux Invalides les trois consuls, Bonaparte, Charles-François Lebrun et Cambacérès. Ces derniers, dont un seul comptait à ses yeux, comme lui sembla-t-il pour la foule qui ne faisait que crier « Vive Bonaparte », étaient déjà à cheval. Habit de velours rouge, culotte collante de soie blanche, baudrier en passementerie au fil d’or, bottes à la hongroise, les trois hommes allaient devant les ministres, les conseillers d’État et les membres des corps constitués. Ce cortège, remarqua Fontsalte, ne progressait pas dans un ordre parfait, les uniformes étaient disparates, les alignements laissaient à désirer et l’on bavardait dans les rangs. Cependant, malgré la chaleur accablante, la poussière soulevée par les sabots des chevaux et les souliers des fantassins, émanait de cette foule en marche une impression de force et de grandeur populaire. « Le peuple omnipotent s’avance », pensa Blaise. Une ère nouvelle commençait, qui avait pris naissance dans un modeste hameau lombard, dont le nom était maintenant synonyme de victoire : Marengo.
     
    On devinait, à voir les visages levés vers Bonaparte, que le vainqueur des Impériaux avait rendu au peuple sa fierté et que ce général pouvait maintenant demander n’importe quoi aux hommes et aux femmes qui l’acclamaient. Seuls, en ce jour de fête, les jacobins et les royalistes faisaient grise mine, craignant que la gloire de Bonaparte n’étouffât à jamais l’ingénuité républicaine des uns comme la volonté de revanche des autres. Pour la première fois, Blaise de Fontsalte entendit crier par quelques luronnes le prénom peu commun du Premier consul : Napoléon.
     
    Tandis que, sous le dais à colonnes construit devant le Corps législatif, se pressaient les invités de marque, le cortège prit la direction de la chapelle des Invalides, enlevée au Dieu des chrétiens et dédiée à Mars, dieu de la Guerre. Quand le ministre de l’Intérieur eut prononcé un discours, la cantatrice italienne Giuseppina Grassini et le ténor Bianchi chantèrent un duo à la gloire des armées françaises.
     
    Pendant cette audition, le général Ribeyre se pencha vers Fontsalte et, d’un mouvement de tête, désigna la chanteuse.
     
    – Vous devez savoir que cette belle personne, que nous avons applaudie à la Scala, à Milan, est arrivée à Paris dans les bagages du Premier consul. Eh oui ! Il l’a installée dans un appartement de la rue Caumartin. Il lui rend visite de temps en temps. Mais attention, si l’Italienne est en cour, une autre jolie personne, qui vient d’arriver à Paris, doit être tenue à l’écart. Il s’agit d’une charmante divorcée, qui aurait égayé les nuits de notre général en chef pendant la campagne d’Égypte !
     
    – Celle-là, je la connais, c’est Pauline Fourès, la gentille blonde de Carcassonne, qu’on appelait Bellilote. Au moment de rentrer en France, Bonaparte l’avait, si je puis dire, léguée à Kléber ! Divorcée d’un mari, abandonnée par un amant, veuve d’un autre, elle n’a pas eu de chance, compléta Blaise.
     
    – Le Premier consul ne veut plus la voir, mais il lui fait porter un peu d’argent par notre service, car elle est sans ressources. Le mieux, aurait-il dit, serait de la marier promptement ! Ne seriez-vous pas candidat ? Cela pourrait être pris comme un acte de dévouement au Premier consul ? insinua Ribeyre en souriant.
     
    – Non, merci, général. Je ne compte pas avancer par les femmes ! Et puis…
     
    – Et puis il y a cette petite Vaudoise dont vous m’avez parlé, l’autre soir, chez Frascati. Hein, vous y pensez souvent !
     
    – C’est-à-dire…
     
    – Comptez sur moi, ami. La première mission en Suisse sera pour vous. J’aime que les amoureux se réunissent de temps en temps !
     
    Harassés par une

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