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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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engagement.
     
    – Cela leur a valu, quelquefois, d’amères déceptions. Je pense à ce qu’a vécu mon père, dit Blaise.
     
    – Cela leur a aussi valu quelque gloire, compléta Ribeyre.
     
    Blaise posa la main sur la manche de son ami et leva son verre, l’invitant du geste à en faire autant.
     
    – « C’est maintenant qu’il faut boire, frapper la terre d’un pied libre », dit-il, citant Horace 9 .
     

     
    Au mois de septembre, la première mission de confiance dont Ribeyre chargea Blaise de Fontsalte n’eut rien de très glorieux. On lui demanda de retrouver toutes les pièces d’uniforme que portait le Premier consul à Marengo, pour les livrer au peintre Jacques-Louis David, qui les réclamait pour faire un portrait du général franchissant le col du Grand-Saint-Bernard. Ce tableau, commandé pour le roi Charles IV d’Espagne, par son ambassadeur à Paris, devait être promptement exécuté. David, à qui le Premier consul avait refusé, parce qu’il le trouvait trop somptueux, l’uniforme dessiné pour les consuls de la République, tenait à donner de Bonaparte une image héroïque mais exacte. Et cela d’autant plus que le roi d’Espagne, qui payait le tableau vingt-quatre mille francs, avait dit à l’ambassadeur de France à Madrid, M. Alquier, qu’il ferait placer ce portrait dans le salon des Grands-Capitaines, dépendance des appartements royaux.
     
    Blaise accomplit sa mission, se rendit à l’atelier de Jacques-Louis David, au Louvre, et vit le peintre habiller un mannequin avec l’uniforme de général qu’un aide de camp avait tiré de la garde-robe du Premier consul. Le chef d’escadrons Fontsalte n’avait pas reconnu le grand manteau de cavalerie gris que portait le général à Martigny, mais il s’abstint de tout commentaire devant l’artiste, membre de l’Institut et célébrité nationale. Il prit seulement le temps d’admirer un grand tableau intitulé le Serment des Horaces , que David conservait dans son atelier.
     
    Comme il béait d’admiration devant l’immense toile, un élève de David demanda au commandant s’il accepterait de poser une heure pour lui.
     
    – Vous avez une très belle tête, des traits virils, même durs, vraiment très officier de dragons. Et vos côtelettes bien fournies et vos superbes moustaches…, exactement ce que je cherchais.
     
    – Je ne suis pas dragon mais chasseur de la Garde des consuls, mes favoris – mes côtelettes, comme vous dites – sont taillés en crosse de pistolet, ce qui est réglementaire, même si ma moustache, un peu trop fine, ne l’est pas !
     
    – Oh ! ne vous fâchez pas, commandant ! J’ai l’œil artiste et je sais d’emblée reconnaître un bel homme.
     
    Blaise s’assit de trois quarts sur un tabouret, tourna comme on le lui demandait son visage vers la gauche, en fixant un ennemi imaginaire, et, patiemment, prit la pose.
     
    Quand il eut terminé, le peintre offrit à Blaise un petit dessin au crayon de David, une étude, représentant un cavalier nu sur un cheval cabré.
     
    – C’est pour le Bonaparte au Grand-Saint-Bernard, le maître m’en a laissé deux, je vous offre celui-ci en souvenir. Mais peut-être, un jour, vous reconnaîtrez-vous sur un de mes tableaux ; je me nomme Delécluze.
     
    En quittant l’atelier, Blaise se rendit chez un encadreur, qui mit sous verre le dessin. Ce fut la première œuvre d’art qu’il accrocha au mur de sa chambre.
     

    Ses missions suivantes consistèrent à accompagner le général Ribeyre, qui l’avait choisi comme aide de camp, afin d’épargner au chef d’escadrons tout service dans la Garde à cheval des consuls.
     
    À Mortefontaine, où fut signé un important traité entre la France et les États-Unis, puis fin septembre à San Ildefonso, en Espagne, Blaise de Fontsalte remplit son rôle d’officier d’état-major. C’était le premier contact du Forézien avec l’Espagne, pays de soleil, au riche passé aventureux et mystique, terre des conquistadores, lieu géométrique de toutes les influences, où Grecs, Romains, Arabes, Visigoths, Juifs avaient laissé, dans les arts et les mœurs, les souvenirs, somptueux ou impalpables, de civilisations révolues.
     
    Avant de passer les Pyrénées, Blaise voyait l’Espagne comme un Orient européen. Il ne fut pas déçu. Tandis que les diplomates étudiaient, au palais de la Granja, les modalités de la restitution de la Louisiane à la France, il

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