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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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moment enlacées, mêlant leurs larmes, puis M lle  Rudmeyer se dégagea des bras de sa nièce, lui sécha les yeux et, quittant le canapé, lui tendit la main, l’invitant à la suivre hors du boudoir aux souvenirs.
     
    – Devant l’amour, toutes les femmes sont sœurs, dit-elle.
     
    À l’heure du thé, Mathilde proposa son aide avec un air faussement sévère, qui fit sourire Charlotte.
     
    – Si, à l’avenir, vous vous contentez, ton troubadour et toi, de pétrarquiser à distance, tu peux lui dire de t’écrire ici, sous double enveloppe. Mais ses lettres ne quitteront pas ma maison et c’est ici que tu en prendras connaissance. Et ne compte pas sur une complicité plus active si, d’aventure, il te rend encore visite. L’hospitalité a ses limites et, bien que je n’aie pas d’affection particulière pour Guillaume, je me dois de faire respecter sous mon toit l’honneur du mari de ma nièce.
     
    Charlotte remercia affectueusement M lle  Rudmeyer et se dit qu’elle avait eu raison, pratiquant la restriction mentale, de taire la paternité de Blaise.
     

    Deux jours plus tard, M me  Métaz retrouva, à Vevey, son fils, Axel, sa fille, Blandine, et Guillaume, qui fulminait contre une nouvelle interruption des transactions avec l’Angleterre et les entraves que la reprise du conflit allait susciter au commerce européen. Depuis la rupture de la paix d’Amiens, l’armée française avait occupé le Hanovre et, maintenant, la Royal Navy bloquait les ports français, retenait dans les ports anglais les vaisseaux marchands en partance pour la France, tandis que le gouvernement consulaire prohibait l’entrée des marchandises britanniques dans tous les ports d’Europe qu’il contrôlait. Dans le même temps, on avait arrêté et assigné à résidence les citoyens britanniques qui se trouvaient à Paris et dans les départements français.
     
    La France avait officiellement déclaré la guerre le 25 juin et, dès le lendemain, Bonaparte avait entrepris, avec sa belle épouse, Joséphine, une tournée des villes du nord de la France et des grandes villes de Belgique, dont Gand et Bruxelles. Partout acclamé, il disait, rapportait la presse, qu’il se propo sait de réunir, sur les côtes de la Manche, une puissante armée pour débarquer en Angleterre. Il envisageait même d’occuper Londres, de mettre le Parlement au pas et de s’emparer des banques afin d’en finir avec « cette nation de boutiquiers qui s’arrogent en Europe une importance qui ne leur appartient pas 11  ». Si le blocus, handicap des affaires, agaçait Guillaume, les projets belliqueux de Bonaparte inquiétaient Charlotte. Tous les prétextes lui étaient bons pour se rendre chez sa tante, à Lausanne, où devaient arriver les lettres du colonel Fontsalte. La première qu’elle reçut, fin août, la rassura. Blaise ne s’occupait que d’organiser la chasse aux espions anglais, entre les embouchures de l’Escaut et de la Somme, sur la côte où se préparait la descente en Angleterre. Ces événements provoquaient les discussions habituelles lors des réunions du soir chez les Métaz. Si Blanchod, qui n’aimait guère les Anglais, admettait le désir des Français de donner une sévère leçon de modestie à ceux qui se voulaient maîtres des mers, Martin Chantenoz critiquait véhémentement Bonaparte.
     
    – Nous avons là, croyez-moi, un futur dictateur. C’est un homme dur et ingrat. Avez-vous oublié comment est mort, au mois d’avril, au fort de Joux, dans le Jura, ce brave nègre de Toussaint Louverture, dont Bonaparte avait fait un général ? À Saint-Domingue, il s’était battu pour la France contre les Anglais et les Espagnols. Sa seule faute fut de créer une république indépendante, afin de se débarrasser des planteurs esclavagistes qui, bien que français, se souciaient peu d’appliquer les généreux principes de la Révolution. Et puis cette façon qu’a eue Bonaparte de se faire nommer consul à vie ! Il aurait même voulu, dit-on, le pouvoir de désigner son successeur. C’est une ambition de monarque, ça !
     
    – Le fait qu’il ait donné l’ordre à M me  de Staël « de s’éloigner d’au moins quarante lieues de Paris », c’est ce que rapporte le Journal helvétique , me mécontente bien davantage, observa le notaire Charles Ruty, qui avait toujours été un ardent défenseur de la liberté d’expression.
     
    – Ainsi on la reverra à Coppet cet hiver.

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