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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l’officier.
     
    – Je vais maintenant réfléchir à cela, car, lorsque je suis avec vous, j’ai l’esprit si troublé que je ne puis rien concevoir… que le bonheur de votre présence, avoua Charlotte.
     
    Retenant ses larmes, elle regarda s’éloigner la berline derrière laquelle trottait le cheval de selle du colonel. Ce ne fut qu’un bref et léger chagrin. Le départ de Blaise ne pouvait en effet altérer la délectation secrète de Dorette. Elle venait de faire en quelques jours une ample provision de souvenirs : étreintes impétueuses, phrases et mots tendres, gestes, attitudes, sourires, regards de Blaise. Elle possédait de quoi reconstituer des heures de bonheur en rappelant les images imprimées dans sa mémoire. À l’heure du repas de midi, c’est en chantonnant qu’elle entra dans la salle à manger où l’attendait Mathilde.
     
    – Ton amie est partie bien tôt ce matin, ma petite, tu dois être fatiguée. Toutes ces journées passées à la distraire, à la promener, ont dû être éprouvantes. Et dire qu’elle a quitté Lausanne sans que j’aie eu l’occasion de faire la connaissance de cette dame ! C’est bien dommage, observa sans acrimonie M lle  Rudmeyer.
     
    – Elle se trouvait laide et comme défigurée par la maladie. Elle ne voulait pas se montrer dans le monde, ma tante. Vous ne pouvez lui tenir rigueur de cela. Si vous aviez vu sa maigreur, sa mine pâle, ses cheveux ternes, ses mains tremblantes…
     
    – Et surtout ses moustaches, n’est-ce pas, surtout ses moustaches ! La maladie les avait, semble-t-il, rendues… tombantes !
     
    Charlotte, qui portait une cuillerée de potage à sa bouche, fut si interloquée qu’elle répandit le bouillon sur sa robe.
     
    – Mais… pourquoi dites-vous cela ? Je…
     
    – Parce que ton amie malade n’a jamais existé et que ce beau Français au bras en écharpe – un militaire, cela se voit à sa dégaine – est sans aucun doute ton amant ! Il m’a suffi d’un regard pour le comprendre, tiens !
     
    – Vous… vous… nous avez vus… à Ouchy ? bégaya Charlotte.
     
    – J’aurais pu vous marcher sur les pieds que vous n’auriez pas fait attention à moi. Je n’ai jamais croisé d’amoureux aussi béats ! Quelle imprudence, Charlotte, quelle folie !
     
    M me  Métaz se mit à pleurer doucement.
     
    – Tiens-toi devant les domestiques. Avale ton potage… et la suite. Nous parlerons de cela plus tard, posément.
     
    Au dessert – une cougnarde au vin cuit, à laquelle elle fit honneur – Charlotte imagina Blaise traversant Nyon, dans sa berline qui sentait le vieux cuir et le tabac, et se rassura. Mathilde lui souriait affectueusement en constatant que l’adultère, découvert et avoué, n’atténuait pas la gourmandise de sa nièce. La coupable, interprétant cette attitude comme promesse d’indulgence, se dit qu’une femme d’esprit, qui n’avait jamais approuvé son mariage avec un huguenot trop fruste à son goût, ne réagirait pas en bigote rigoriste. Sa tante, qui s’efforçait de mettre tant de poésie dans sa propre vie quotidienne, et dont le passé sentimental restait un mystère, admettrait-elle pour autant sa romance ? Elle n’avait pu voir Blaise d’assez près pour remarquer le regard vairon qui lui eût rappelé celui d’Axel. Elle ne pourrait condamner que l’infidélité, sans en soupçonner les conséquences antérieures.
     
    Un peu plus tard, M lle  Rudmeyer ayant invité sa nièce à l’accompagner dans son boudoir, pièce où personne ne pénétrait, voulut tout savoir des relations que Charlotte entretenait avec le militaire aux belles moustaches. Avec sincérité et un grand désir de clarté, M me  Métaz raconta ce qui s’était passé, depuis le mois de mai 1800, entre elle et Blaise de Fontsalte. Elle faillit révéler que l’officier était le père d’Axel, mais se retint par respect pour Guillaume. En revanche, elle rapporta fidèlement la mésaventure de Flora, espionne autrichienne, ce qui lui permit d’exalter la clémence et la générosité de Blaise, « vrai gentilhomme et fier soldat », et divulgua les raisons de sa fâcherie avec l’Italienne.
     
    Mathilde se montra aussi compréhensive que Charlotte pouvait le souhaiter.
     
    – En somme, depuis trois ans, en pensées, en paroles, en actes, et par lettres, tu fais ton mari cornard, ma petite. C’est bien clair, n’est-ce pas ! Cela n’a rien que de très banal

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