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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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irait passer la journée à son chevet pour lui faire la lecture. M lle  Rudmeyer n’y vit aucun inconvénient et Blaise découvrit qu’on peut fort bien connaître les plaisirs de l’amour en ayant un bras en écharpe. Au bout de trois jours, les amants allèrent se promener au bord du lac dans le cabriolet de Charlotte. Blaise racontait ce qui était racontable de ses activités militaires, décrivait les mœurs du semblant de cour constitué autour du Premier consul et parlait du général Ribeyre comme d’un ami, d’un complice, toujours prêt à faciliter ses rencontres avec celle qu’il nommait « la belle Vaudoise ».
     
    Dès les premières heures de leurs retrouvailles, Charlotte révéla qu’elle était devenue mère de deux enfants, sans faire allusion au regard bicolore d’Axel, qu’elle rajeunit de quelques mois afin de ne pas susciter chez Blaise le moindre doute quant à la paternité de M. Métaz.
     
    – J’aurais aimé te donner un fils à l’œil vairon, différent de tous les autres garçons, dit Fontsalte avec désinvolture, sans voir que Charlotte se mordait les lèvres pour ne pas crier qu’elle connaissait déjà ce bonheur impie et impubliable !
     
    C’est au cours de ce séjour, à l’occasion de conversations sérieuses avec sa maîtresse, mais aussi au contact du petit peuple vaudois, aubergiste, domestiques, pêcheurs, maraîchers venus vendre leurs légumes et leurs fruits au marché d’Ouchy, que Blaise comprit que l’histoire de la Suisse n’était pas aussi simple que les Français, les militaires surtout, semblaient le croire. Et cependant, au fil des siècles et après bien des vicissitudes, elle attestait de la vitalité d’un organisme civique original.
     
    Pour ceux qui, comme Fontsalte, épousaient l’ambition de Bonaparte de voir, dans une Europe en paix, les princes et les républiques concourir sagement au progrès, à la prospérité et au bonheur de tous, en créant de nouveaux rapports fondés sur les principes de la Révolution française, adaptés aux mœurs nationales, l’Helvétie constituait un modèle. Depuis le pacte d’alliance conclu en août 1291 entre les représentants des trois vallées, Uri, Schwyz et Unterwald, qui avaient fait serment d’assistance mutuelle pour se protéger des ambitions territoriales des Habsbourg, beaucoup d’événements s’étaient déroulés entre lacs et montagnes, qui n’avaient pas empêché le développement de l’esprit confédéral. Malgré les invasions, les contrecoups des conflits européens, la chute du régime bernois, les rivalités entre paysans et citadins, les joutes politiques violentes, les affrontements idéologiques des unitaires et contre-révolutionnaires, plusieurs guerres civiles et de fréquentes contestations populaires ; malgré quatre langues différentes et deux religions concurrentes ; malgré des conceptions antithétiques, latine et germanique, de la vie, la Confédération helvétique, carrefour atavique des civilisations européennes, arrivait à maturité.
     
    Dans tous les pays d’Europe, qui les avaient si souvent embauchés pour mener leurs guerres, les soldats suisses jouissaient d’un prestige tel qu’il incitait les nations au respect du mot neutralité, devenu synonyme de paix pour les Helvètes. À Morgarten contre les Habsbourg en 1315, puis contre les Bourguignons en 1476 et 1477 à Grandson, Morat et Nancy, les Suisses avaient fait la glorieuse démonstration d’un véritable engagement patriotique pour la défense d’une indéfinissable patrie !
     
    Les Vaudois au parler lent, sachant le bon français mais usant fréquemment, par prudence ou courtoisie, de la litote, alors qu’ils savent le juste terme, passaient pour Blaise comme sages et mesurés. Et leur accent, peu marqué chez Charlotte, qui faisait chanter l’antépénultième syllabe de chaque mot, le charmait. Ce descendant des Arvernes et des Ségusiaves se sentait chez lui au pays de Vaud.
     
    Quand, après une semaine, l’officier fut rétabli, vint, pour les amants, le moment de la séparation. Celle-ci fut tendre et raisonnable. Il promit d’être de retour avant trois mois ; elle s’engagea à écrire, sans espoir de réponse puisque la fâcherie avec Flora supprimait l’indispensable et confidentiel relais.
     
    – Il faut tout de même trouver un moyen de correspondre, sinon, vous soupçonnerez encore je ne sais quel oubli ou trahison de ma part, dit

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