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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Les Prussiens, eux aussi, souhaitent l’anéantissement des projets européens de Napoléon, dont la Confédération du Rhin est un embryon. Même votre grand historien suisse, Jean de Müller, et le très savant M. Guillaume de Humboldt soutiennent le feld-maréchal Blücher, le baron de Stein et le général Rüchel, qui, à Berlin, préparent la guerre contre la France. Ils ont déjà rassemblé plus de cent cinquante mille soldats, de la Thuringe à la Silésie. Des libelles belliqueux circulent contre nous et, le 26 août, un tribunal militaire français a dû condamner à mort et faire exécuter un libraire de Nuremberg, un certain Palm, qui vendait un pamphlet contre l’empereur. Nous allons, chère Dorette, vers une quatrième coalition mais, aussi, vers de nouvelles victoires, car la Grande Armée est invincible, conclut le général avec assurance.
     
    Charlotte se tut et vint s’asseoir sur les genoux de Blaise. Elle ne voulait pas répéter à son amant les craintes que lui inspirait la perspective d’autres combats, fussent-ils victorieux pour la France. Elle se contint, pour ne pas crier son indignation devant la sottise des hommes, qui acceptaient de mourir, les uns pour conserver leurs trônes aux monarques orgueilleux qui les tyrannisaient, les autres pour les banquiers, les armateurs et les marchands de Londres, d’autres encore, les plus respectables, pour imposer aux nations liberté, égalité, fraternité, et cela en usant d’une force barbare qui violait ces principes !
     
    De la même façon qu’elle avait gardé ses réflexions pour elle, Charlotte se retint, au moment de la séparation, de poser la question : « Quand vous reverrai-je ? » Blaise, dans l’incapacité d’y répondre, la redoutait. Il fut reconnaissant à Charlotte de sa réserve et accepta la clé du moulin.
     
    – Vous pouvez venir ici sans même prévenir. Il y aura toujours désormais du linge propre dans l’armoire, du bois sec dans le bûcher, du vin dans la cave, dit Charlotte.
     
    – Comment remercier cette excellente tante que j’espère bien rencontrer un jour ! Elle me plaît déjà, cette dame, dit Fontsalte en montant dans son cabriolet.
     
    Charlotte, effrayée à la seule pensée que Mathilde pourrait rencontrer Blaise et son regard vairon, s’empressa de répondre qu’une telle rencontre n’était pas souhaitable.
     
    – Vous ne pouvez la remercier ni la voir. Comprenez que, pour elle, l’honnêteté s’y oppose ! Elle connaît votre existence mais veut l’ignorer. Nos relations vont à l’encontre de ses principes et si elle me prête ce moulin, c’est parce que…
     
    – C’est parce que ?
     
    – C’est parce que… parce que… comment dire ?
     
    – Parce que votre tante a peut-être vécu ce que nous sommes en train de vivre. N’est-ce pas ?
     
    Blaise fit claquer son fouet, les chevaux s’élancèrent. Charlotte envoya un baiser du bout des doigts et attendit que le cabriolet eût disparu au détour du chemin pour retourner dans la maison afin d’y mettre de l’ordre. Elle aperçut sur la table la pipe que son amant avait oubliée. Le fourneau qu’elle posa contre sa joue était encore tiède.
     

    Après ces quelques heures de bonheur, M me  Métaz rentra à Vevey pour trouver son mari de méchante humeur. À Neuchâtel, où venait d’arriver le maréchal Berthier, des fonctionnaires français avaient saisi et détruit un important stock de denrées de contrebande entreposées chez des négociants. Le nouveau prince de Neuchâtel considérait que ces provisions, entrées indûment en Suisse par le Tessin, sans payer de droits, constituaient la preuve d’une violation flagrante du blocus. Or, parmi les produits saisis, certains étaient destinés à M. Métaz, devenu importateur de denrées dites coloniales.
     
    – J’avais là-bas du thé, du café, du sucre, des épices et, même, du tabac que m’ont commandés les marchands de Vevey et aussi la sœur de ton amie Flora, Tignasse, l’épicière de La Tour-de-Peilz ! C’est très bien de combattre les Anglais, mais nous ne produisons en Suisse ni café, ni thé, ni sucre ! s’indigna Guillaume.
     
    – Ni coton, ajouta Blanchod, qui savait que cette matière première risquait de faire défaut à l’industrie textile.
     
    Charlotte et Flora n’avaient pas pour habitude de se mêler des affaires commerciales, mais Martin Chantenoz entra dans la discussion :
     
    – Le blocus

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