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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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les chanoines envoient, l’hiver, à la recherche des voyageurs égarés dans la neige. On dit même que certains Français ont voulu acheter des chiots. Si les chanoines étaient malins, ils organiseraient un élevage et tireraient un bon prix de leurs molosses dressés, remarqua Guillaume, toujours pratique.
     
    L’abondance de la vendange et la promesse d’un cru de qualité exceptionnelle atténuèrent un peu les inquiétudes de Guillaume Métaz qui, les dernières grappes pressées, quitta Vevey pour le Tessin. Il devait rencontrer, à Bellinzona, des négociants italiens. L’antique cité contrôlant le passage vers trois cols, Saint-Gothard, Lukmanier et San Bernardino, était un centre commercial devenu carrefour des contrebandes.
     

    Aux premières brumes de novembre, les Veveysans apprirent que les hostilités avaient commencé entre la France et la Prusse, qu’une nouvelle coalition s’était formée et que Napoléon avait traversé le Rhin, ce qui ne surprit point M me  Métaz. Elle avait reçu, le 12 octobre, une lettre de Blaise, datée de Mayence, où le général se trouvait avec l’état-major de la Grande Armée. À partir de ce jour, Charlotte se mit à guetter les nouvelles publiées par la Gazette de Lausanne . L’annonce des victoires d’Erfurt, Iéna et Auerstedt, l’entrée à Berlin de l’empereur réjouirent Charlotte, alors que son mari, dont l’opinion sur Napoléon avait singulièrement évolué, fulminait contre le « fossoyeur du commerce international ». L’empereur des Français, vainqueur de la Prusse, ne venait-il pas de signer, à Berlin, un décret renforçant et organisant le blocus continental !
     
    Voyant son père soucieux et parfois courroucé pour des raisons qui échappaient à son jeune entendement, Axel lui posait des questions sur ses voyages, comme s’il voulait le détourner un moment de ses pensées moroses. Guillaume en était ému. Dans ces moments-là, il caressait les cheveux drus et frisés du garçon, qui le fixait de son regard net, dont le bleu et le brun s’avivaient sous l’effort d’attention.
     
    – Tu es un bon gars et c’est pour toi, pour ton avenir, que j’espère moins dur que notre présent, que je travaille. En attendant, va te promener, profite bien du temps où tu es petit. Ça ne durera pas toujours, disait-il.
     
    Car, à toutes les distractions proposées à son âge, Axel préférait la promenade, occasion de multiples découvertes.
     
    Polline avait de vieilles jambes fatiguées et n’emmenait jamais l’enfant très loin : soit, à l’ouest de la ville, jusqu’à l’Éperon, jetée naturelle qui servait de débarcadère, soit, à l’est, jusqu’à l’ancienne porte, dite d’Entre-deux-villes, qui marquait, depuis le Moyen Âge, la limite entre le quartier de Bottonens et le territoire de La Tour-de-Peilz.
     
    Par les chaudes journées, on choisissait plutôt l’Éperon et la promenade de l’Aile, du nom de la belle demeure à tourelles chapeautées de toits aigus devant laquelle avait été plantée, en 1727, une allée de vingt-six marronniers, auxquels on avait ajouté, dix ans plus tard, en bordure de la grève, une troisième ligne de peupliers. Le dimanche, les familles allaient et venaient, se rencontraient et papotaient sous les frondaisons.
     
    Charlotte Métaz soutenait, non sans raison, que la plus grande foire aux cancans de la ville se tenait, après le service, sous les marronniers de l’Aile. Les jours où soufflait la vaudaire, Polline choisissait un circuit plus abrité, par l’intérieur de la ville, et conduisait le garçon jusqu’au château, ancienne demeure des baillis, dont la terrasse élevée, les murs rudes et râpeux ne plaisaient guère à l’enfant. Du côté de l’Aile, il y avait surtout, dans le bas de la place du Marché, le chantier où l’on construisait et réparait les grandes barques du Léman. Polline ne manquait jamais de montrer et, depuis peu, de faire épeler à l’enfant les noms accolés de Rudmeyer et Métaz, en lui rappelant que son papa, après son défunt grand-père, était le propriétaire de cette usine à bateaux en plein vent, et des bateaux eux-mêmes. Parfois, la servante condescendait à s’approcher des barques en construction ou en réparation, mises au sec et soutenues par les étais, tandis que les charpentiers travaillaient sur les coques. L’odeur douceâtre du bois torturé par les outils, celle, plus âcre, du brai, étalé

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