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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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donné des descriptions enthousiastes. Fontsalte sut satisfaire toutes ses curiosités, mais, comme elle l’interrogeait sur sa mission et sa destination, il la traita de curieuse.
     
    – C’est une mission particulière et secrète, bien sûr.
     
    – Vous n’avez pas confiance en moi ? dit Charlotte en se dressant sur le lit, à tel point étonnée que les larmes lui vinrent aux yeux.
     
    Blaise la força à s’allonger et l’embrassa. Plus qu’aucun aveu, ce cri de doute douloureux lui prouva combien cette femme l’aimait. Elle ne pouvait concevoir qu’il y eût entre eux le moindre secret. À cet instant, il comprit la force et la gravité de l’attachement qu’il avait suscité. « Les femmes, se dit-il, ont une façon de vous imposer la responsabilité de leur bonheur qui rend toute désinvolture honteuse ! »
     
    – Je ne veux rien vous cacher, Dorette, je pensais simplement que tout ce qui importe est que je sois venu jusqu’à vous !
     
    Mais Charlotte, d’une voix enrouée par l’émotion, voulut expliquer à Blaise ce qu’il semblait ne pas deviner :
     
    – Ne comprenez-vous pas que je navigue sur le temps, d’une rencontre à l’autre, comme un bateau va de port en port ! Et les traversées sont longues, longues, Blaise, si longues parfois ! Mais je ne me plains pas, puisque j’ai choisi de vivre ainsi une perpétuelle errance que personne ne soupçonne. Pour meubler les heures où rien ne bouge, où j’attends une lettre de vous, quand j’en suis réduite à lire et relire les journaux en essayant d’y trouver de quoi me fabriquer des intuitions ou des suppositions, alors que j’ai besoin de certitude, je nourris ma fidélité de souvenirs, de ce que je sais de vous. Je ne devrais pas dire ces choses, car je ne veux pas que vous vous sentiez, le moins du monde, obligé de tenir compte de moi dans votre vie…
     
    Blaise, ému, la fit taire d’un baiser et, sur ses lèvres, l’amertume des larmes de Dorette le troubla comme jamais encore il ne l’avait été dans les bras d’une femme.
     
    – Me croirez-vous si je vous dis que vous occupez, avec ma mère, la première place dans mes pensées ? Il ne se passe pas un jour où je ne pense à vous, à ce lac, à ces montagnes, à ces vignes, à Belle-Ombre, aux châtaigniers d’Hauterive, comme je pense à Fontsalte. Un jour, je voudrais vous emmener à Fontsalte, vous montrer mon Forez, sa plaine, qui est comme un grand lac vert fait de prairies parsemées d’îles qui sont des bosquets, et les montagnes qui l’entourent, moins hautes et moins abruptes que les vôtres. Oui, Dorette, avec vous je voudrais tout partager. Alors, ne parlez plus de manque de confiance.
     
    En dînant d’une tourte au fromage et de fruits, Blaise se résolut à parler de sa mission.
     
    – Peut-être ne savez-vous pas que des agents recruteurs anglais, autrichiens et prussiens ont été envoyés dans les cantons du Nord pour inciter les jeunes Suisses à s’enrôler dans les armées des ennemis de la France. Eh bien, je suis venu pour mettre les recruteurs hors d’état de… recruter. Voilà tout.
     
    – Vous allez faire ça comment ?… Seul ?
     
    – J’ai avec moi quelques bons garçons, que Trévotte a dû conduire à Aarau, dans le canton d’Argovie, où je dois les retrouver. À partir de là, nous ferons… ce qu’il y aura lieu de faire.
     
    – Mon Dieu, avez-vous oublié ce qui vous est arrivé, pas très loin d’ici, à Ouchy ? rappela Charlotte, inquiète.
     
    Blaise se mit à rire et vida son verre de vin blanc.
     
    – C’est bien pour ça que je tiens à la discrétion. Pour le reste, je suis sur mes gardes… et puis ça fait partie du métier, n’est-ce pas ?
     
    Comme la jeune femme demandait si la guerre allait reprendre, le général parut s’absorber dans ses pensées.
     
    – Je vais vous confier un autre secret, qui est une réponse à cette question. M. Fox, le ministre anglais des Affaires étrangères, vient de mourir. C’était un honnête homme, puisqu’il avait fait arrêter un royaliste qui se proposait d’assassiner l’empereur. Au contraire de William Pitt, il ne souhaitait que faire la paix entre l’Angleterre et la France. Des négociations avaient même commencé, à Paris, entre lord Yarmouth et Talleyrand. Mais la mort de M. Fox remet tout en question et les politiciens, qui poussent à la guerre à outrance, dominent à nouveau le gouvernement anglais.

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